Les Maréliennes : une utilisation innovante et très prometteuse des hydroliennes

Publié le 24 janvier 2014 dans Energie marémotrice

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Article de « Techniques de l’Ingénieur », Editions T.I. (249, rue de Crimée 75925 Paris Cedex 19)

Résumé

Le principe des hydroliennes est économique mais peu de sites naturels marins ou fluviaux présentent des conditions favorables à leur utilisation et notamment une vitesse de courant suffisante.

Mais on peut créer de grands bassins à marée adossés au littoral ; leur digue de clôture est ouverte localement sur la mer par de larges chenaux de 1 ou 2 kms de longueur perpendiculaires à la digue ; ces chenaux sont équipés de 10 à 20 rangées d’hydroliennes opérant dans des conditions optimales notamment de vitesse du courant. La production électrique à un coût compétitif peut atteindre 10% des besoins mondiaux et 20% des besoins français.

Ces aménagements rentabilisés par la production électrique permettent aussi une protection essentielle du littoral contre les niveaux extrêmes défavorables, les tempêtes ou les typhons.

Une partie de la surface des bassins peut être utilisée pour un stockage d’énergie très important.

Un nom spécifique : les « Maréliennes » peut s’appliquer à cette utilisation spécifique.

Introduction

L’Hydroélectricité produit 3.500 TWh/an. L’Energie des marées a un potentiel équivalent et produit 1 TWh/an. Cette différence s’explique mal a priori car l’Energie des marées a des atouts majeurs :

– L’énergie disponible est concentrée et on peut produire 10 à 40 GWh/an/km² de réservoir alors que l’Hydroélectricité produit 3.500 TWh/an sur plus de 350.000 km² de réservoirs, soit moins de 10 GWh/an/km².

Le coût au MWh pour créer des grands réservoirs marémoteurs est inférieur au coût moyen des réservoirs de barrage.

– On peut utiliser des turbines de l’Hydroélectricité, ou des hydroliennes d’un coût de fabrication par kW voisin de celui des éoliennes terrestres.

– A énergie égale, les impacts sur l’environnement peuvent être beaucoup plus favorables que ceux de l’Hydroélectricité ou d’autres énergies renouvelables.

– Il n’y a aucun déplacement de population.

– Les productions mensuelles et annuelles sont constantes et prévisibles.

Mais l’analyse des spécificités de l’énergie des marées peut expliquer l’échec des solutions utilisées jusqu’à maintenant et conduit à une solution mieux adaptée non seulement à la production mais aussi au stockage de l’énergie électrique.

1) Spécificités de l’Energie Marémotrice

– Le potentiel disponible le long des côtes mondiales est très variable, l’amplitude moyenne de la marée (marnage) pouvant varier de quelques décimètres à 8 m. Les projets étudiés s’appliquaient en général à des marnages de plus de 6 m mais le potentiel total correspondant est assez faible et la majorité du potentiel mondial correspond à des marées de 3 à 5 m ; il est réparti sur 20 000 km de littoral.

– Les marées les plus usuelles mondialement servent de base à l’analyse ci-dessous ; ce sont des marées semi diurnes, d’une durée un peu supérieure à 12 heures. L’amplitude est voisine pour les 2 marées d’une même journée, mais cette amplitude (la hauteur de marnage H) varie beaucoup en 14 jours ; pendant quelques jours de vives eaux le marnage dépasse de 30% (et parfois de 50%) le marnage moyen Hm et pendant quelques jours de morte eau le marnage est inférieur à Hm de 35% (parfois 50%).

– Les courants de marée peuvent atteindre localement 4 à 5 m/s mais sont le plus souvent de l’ordre de 1 m/s.

– Pendant une demi-marée, le niveau dans un bassin est généralement très voisin pendant quelque temps du niveau de la mer ; il est donc difficile de produire beaucoup pendant une heure ou deux sur six.

– Les problèmes liés aux vagues peuvent être très importants.

– A charge égale, la hauteur d’une usine marémotrice est très supérieure à celle d’une usine en rivière car on doit ajouter au niveau minimum d’exploitation la hauteur des vagues et la hauteur du marnage de vives eaux. Le coût au kW du génie civil est donc beaucoup plus important.

– Les impacts sur l’environnement sont très différents de ceux des barrages hydroélectriques : ils peuvent être beaucoup plus favorables.

Deux principes d’exploitation ont été utilisés :

– Le principe de base de l’hydroélectricité : créer des réservoirs par des barrages ou des digues et utiliser la dénivelée ainsi créée (hauteur de chute) par des usines c’est-à-dire des turbines dans une structure en béton (centrales marémotrices).

– Le principe des éoliennes : on place des turbines (hydroliennes) dans les courants de marée de vitesse importante. Ceci évite tout génie civil.

Ces deux modes d’utilisation sont analysés ci-dessous.

2) Les centrales marémotrices

Elles comprennent deux parties, les réservoirs créés par les digues et les usines reliant les réservoirs à la mer.

2.1) Les réservoirs (ou bassins)

Diverses solutions associant hydrauliquement deux réservoirs à niveaux différentes ont été étudiées, améliorant la production des turbines. Mais ces solutions modifient fortement le régime et les niveaux des marées à la côte et seraient généralement refusées actuellement à cause de cette modification importante de l’environnement.

Les réservoirs qu’on peut envisager sont donc essentiellement des réservoirs simples. Ils peuvent être créés :

– En barrant un estuaire (usine de la Rance en France : 1965).

On économise les digues mais les problèmes d’environnement sont plus difficiles (notamment par variation de salinité) et il existe peu de sites mondiaux importants limités aux estuaires et très peu en France.

– En créant des îles, ce qui évite les impacts à la côte mais le coût de digues très longues ne permet guère de sites rentables.

– En créant des bassins adossés à la côte, de préférence sur un golfe ou avec une topographie réduisant la longueur de digue. On peut aussi envisager de grands bassins le long d’une côte rectiligne en recherchant trois conditions : une surface de plus de 50 à 100 km² pour réduire le coût des digues par kW, une profondeur modérée jusqu’à 10 ou 20 km de la côte, et un mode d’exploitation qui ne modifie pas dans le bassin le régime et l’amplitude des marées. Ces trois conditions peuvent être remplies mondialement sur plus de 100.000 km² et pour des milliers de TWh/an.

2.2) Les usines :

Les groupes bulbes :

Une turbine à axe horizontal dont l’alternateur est immergé, le groupe bulbe, a été mise au point en 1960 pour l’usine de la Rance. Elle a depuis été utilisée avec succès pour de nombreux barrages en rivière, sous une chute de 5 à 10 m. Les turbines de la Rance  qui peuvent turbiner et pomper dans les deux sens, produisent à pleine puissance sous une chute de 5 à 6 m mais ne produisent que 30% de la puissance installée sous une chute de 3 m, et très peu sous une chute de 2 m.

On utilise donc à la Rance un mode de gestion permettant d’obtenir une chute de l’ordre de 5 m, le même objectif est recherché à l’usine coréenne de Shiwah, mise en service en 2012, d’une puissance de 250 MW un peu supérieure à celle de la Rance.

L’utilisation d’un bassin peut se faire dans les 2 sens ou un seul sens.

Fig. 2

Le potentiel mondial à un coût acceptable des groupes bulbes est donc réduit.

Les turbines orthogonales :

Une turbine à axe vertical a été développée et testée en Russie pour l’énergie marémotrice et parait intéressante car elle peut opérer efficacement dans les 2 sens sous une charge de 2 m, donc pour des marnages de 5 à 6 m, avec un rendement de 0,75. Elle nécessite encore des vérifications à l’échelle 1 (fig.3).

La fabrication de ces turbines est simple ; le coût du génie civil est important car la structure est très haute et la puissance par m de largeur d’usine inférieure à 500 kW pour les meilleurs sites et de l’ordre de 200 kW pour un site moyen.

Cette solution parait donc prometteuse mais reste relativement coûteuse en génie civil surtout pour les marnages inférieurs à 5 m, c’est-à-dire pour la majorité du potentiel.

fig. 3

3) L’utilisation actuelle des hydroliennes

Les éoliennes ont un grand succès car la vitesse du vent est suffisante sur de nombreux sites pour justifier des éoliennes compétitives de 1 à 5 MW à terre, de 2 à 10 MW en mer. Ce succès a encouragé une production d’énergie en mer avec des équipements similaires (hydroliennes) en utilisant les courants marins là où ils sont les plus importants, c’est-à-dire près des zones à fort marnage.

La puissance fournie par une hydrolienne est à peu près égale (en kW) à 0,2 sV3 où s est en m² et V en m/s, s étant la surface des turbines et V la vitesse du courant. Le diamètre de turbine peut être de 10 à 20 m.

Pour 16 m de diamètre, la puissance (kW) est proche de 40 V3. Avec 3 m/s on produit donc 1 MW, avec 2 m/s 300 kW, avec 1 m/s 40 kW. Même avec 3 m/s, une rangée d’hydroliennes ne prélève qu’une faible partie de l’énergie du courant, correspondant à une chute de l’ordre de 0,1 m. Et il existe assez peu de sites mondiaux importants où la vitesse du courant dépasse 3 m/s 1.000 heures par an et 2 m/s 2.000 heures par an et la puissance unitaire sera voisine de 0,5 à 1 MW. Le coût d’installation, de raccordement électrique et d’entretien est généralement élevé dans ces zones et la production annuelle proche de 2.000 heures de la puissance installée. La production est très faible une semaine sur deux.

Le potentiel serait semblable pour les éoliennes terrestres si on ne trouvait de vents favorables que sur des reliefs au-dessus de 3.000 m.

Les hydroliennes sur des sites naturels ont donc un potentiel théorique important mais le potentiel mondial utilisable à un coût acceptable n’est probablement que de l’ordre de 100 TWh/an.

Les hydroliennes sont donc un outil de fabrication économique dont les conditions naturelles d’utilisation sont très coûteuses. Elles pourraient être très rentables si elles pouvaient opérer la majeure partie du temps à une vitesse de 3 ou 4 m/s dans des conditions marines favorables. Il n’y a pas de tels sites naturels. Le principe d’une nouvelle solution est de créer de grands sites favorables à l’emploi des hydroliennes.

4) Une nouvelle solution : « Les « Maréliennes »

Les hydroliennes s’adaptant mal aux sites naturels, on peut chercher à créer des sites permettant leur utilisation dans les meilleures conditions. Le but essentiel est d’opérer dans un courant de vitesse à peu près constante de 3,5 à 4 m/s, pour de fortes ou faibles marées et pour les différents niveaux de la mer.

La meilleure solution semble la création le long du littoral de grands bassins clôturés par une digue ; de larges ouvertures de cette digue alimentent des chenaux perpendiculaires à la digue dans lesquels sont placés des rangées d’hydroliennes (fig.4 et 5).

Ces chenaux d’une longueur de 1 à 2 km sont bordés par des digues à faible charge et peuvent être fermés côté mer par des vannes semblables aux vannes de barrages sur les grands fleuves. Le fond du chenal peut être bétonné sur 0,50 m.

Les chenaux d’hydroliennes ont le grand avantage d’être très efficaces avec des hauteurs de chutes de 1 à 3 m, c’est-à-dire dans les meilleures conditions d’utilisation des bassins à double sens dans toutes les zones de marées naturelles de plus de 2 à 3 m de marnage.

Il est possible économiquement d’opérer huit heures sur douze et de conserver le long de la côte le régime et les niveaux naturels des marées (fig.1).

A titre d’exemple, une hydrolienne de 16 m de diamètre (surface de 200 m²) placée dans un courant de 4 m/s, produit 0,2 x 200 x 43 # 2.500 kW consommant une énergie un peu supérieure de l’ordre de 3.000 kW. Une rangée d’hydroliennes espacées de 25 m entre axes dans un chenal de 25 m de profondeur consomme par m de largeur de chenal une énergie de 3.000/25 = 120 kW pour un débit de 25 x 4 = 100 m3/s. La puissance consommée correspond à une chute de 120/100 x g # 0,12 m.

Si la dénivelée entre mer et bassin est de 2,40 m, elle pourra être utilisée par 20 rangées d’hydroliennes espacées par exemple de 5 diamètres soit 80 m, la longueur du chenal étant de 20 x 80 = 1.600 m. Lorsque la dénivelée se réduit à 1,20 m, on pourra conserver la même vitesse optimale de 4 m/s en n’utilisant que 10 rangées d’hydroliennes.

On peut donc associer cette vitesse optimale avec la gestion optimale des bassins et adapter le nombre de rangées d’hydroliennes et donc la longueur des chenaux au marnage naturel du site. Cette solution a l’avantage capital de pouvoir s’adapter à des marnages naturels faibles et donc à une très grande partie du potentiel mondial pour un coût au kWh voisin de celui des sites exceptionnels de marnage supérieur à 6 m.

On peut utiliser trois variables pour optimiser vitesse de courant et production :

– La durée d’ouverture pendant une demi-marée de six heures peut varier notamment en fonction de la hauteur de marée. Le volume d’eau à écouler étant deux fois plus important en vives eaux qu’en morte eau, on peut ouvrir 2 ou 3 heures en morte eau et 4 ou 5 heures en vives eaux avec un débit moyen voisin.

– Le nombre de chenaux ouverts peut un peu varier, on peut notamment le réduire en période de morte eau.

– Le nombre d’hydroliennes en service dans un chenal peut s’adapter en permanence à la dénivelée entre mer et bassin pour y garder la même vitesse.

Pendant une demi-marée, l’opération pourra être la suivante pour une marée moyenne (fig.1).

– Au moment où le bassin et la mer sont au même niveau, on ferme les vannes des chenaux et on les maintient fermées pendant environ 2 heures. On maintient ensuite le débit constant pendant 4 heures ce qui correspond à une production constante pendant deux heures se réduisant progressivement ensuite avec la dénivelée pendant les deux heures suivantes. La production correspond à peu près à trois heures de puissance maximale.

La fermeture totale des chenaux sera réduite à moins d’une heure en vives eaux mais allongée à 3 heures en morte eau.

La production par marée de vives eaux sera supérieure d’environ un tiers à celle d’une marée moyenne, celle d’une marée de morte eau inférieure d’un tiers. La différence de production entre les marées de vives eaux et de morte eau est beaucoup plus faible qu’avec les hydroliennes sur des sites naturels.

Cette utilisation très spécifique des hydroliennes associées aux bassins à marées justifient un nom spécifique qui pourrait être les « Maréliennes ».

5) Insertion sur le réseau électrique et stockage d’énergie

L’énergie marémotrice est très prévisible ; la production par an et par mois est à peu près constante mais il y a une irrégularité de production sur une demi-marée et sur 14 jours.

– Pendant chaque demi-marée, la production est arrêtée environ deux heures, ce qui justifie un stockage d’au moins de 2 heures de production moyenne.

– Pendant quelques jours de marée de morte eau, la production est inférieure d’un tiers à la moyenne, ce qui justifie l’utilisation alors d’énergie hydroélectrique de lac ou d’énergie thermique ou un stockage de 20 à 30 heure de production moyenne marémotrice.

– Il peut être très intéressant de transférer une grande partie de la production de 8 heures de nuit vers la journée et les heures de pointe de consommation.

– La meilleure solution de stockage peut être la création en eau calme dans le bassin marémoteur d’une STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) constituée de 2 bassins, l’un fonctionnant par exemple entre les niveaux -10 et -20 et l’autre entre +10 et +20. Le volume stocké par bassin de 1 km² est de 10 millions de m3 turbinés sous charge moyenne de 30 m ; il stocke une énergie proche de

Et, comme il y a 2 bassins, il faut, pour stocker 1 GWh une surface de 2/0,75, environ
3 km².

La production marémotrice annuelle par km² pour un site de marnage naturel moyen de 5 m est de l’ordre de 20 GWh soit une production moyenne de 20 GWh/ 8.640 d’environ 2,3 MW. Stocker une heure nécessite 3 km² x 2,3 MW/1.000 MW, c’est-à-dire 7%0 de la surface. Consacrer au stockage 5% de la surface permet de stocker 7 heures de production moyenne, ce qui peut être un choix raisonnable. Ce stockage est d’une excellente qualité car il opère entre deux bassins accolés et le temps nécessaire à la variation de puissance est très faible. Ce stockage est donc meilleur que celui de toutes les STEPs conventionelles. Il peut être utilisé aussi par d’autres énergies intermittentes, notamment avec l’éolien offshore indépendant du site marémoteur ou associé à ce site.

Dans les zones de faible marnage, par exemple 2,50 m au lieu de 5 m, la production est 4 fois plus faible et un stockage limité à 5% de la surface permet de stocker 4 x 7 heures de production.

6) Gain de production par pompage

Si l’on pompe pendant une heure ou 1,5 heure lorsque le niveau du bassin est proche de celui de la mer on augmente sensiblement la production globale car on augmente le volume à turbiner et la hauteur de chute moyenne pendant les 4 ou 5 heures suivantes. On peut dans ce but placer dans la digue des groupes bulbes de grand diamètre et de l’ordre de 20 MW qui pourront pomper 1.500 heures par an (en évitant de pomper pendant les pointes de demande de courant). Ces groupes pourront aussi turbiner mais leur puissance en turbinage sera inférieure à leur puissance en pompage.

En dehors de sa rentabilité, cet investissement complémentaire a l’avantage de permettre de conserver à la côte l’amplitude exacte des marées naturelles évitant ainsi les critiques correspondantes sur l’environnement.

7) Eoliennes associées aux sites marémoteurs

Le coût des éoliennes offshore est généralement pénalisé par les longueurs de raccordement électrique et par l’installation et l’entretien en mer ouverte.

Implanter des éoliennes dans un bassin marémoteur et sur la digue d’encloture élimine ces deux inconvénients et la profondeur des bassins permet une fondation économique réalisée en eau calme ; l’absence de forte houle en exploitation permet par exemple des cylindres préfabriqués en béton armé de 15 m de diamètre simplement posés et remblayés. Implanter des éoliennes sur la moitié de la surface d’un bassin permet une production par km² d’environ 2 500 heures d’une puissance installée d’une dizaine de MW soit 0,5 x 10 x 2.500 = 12.500 MWh ou 12,5 GWh/km² de bassin marémoteur.

La production d’énergie marémotrice est, en GWh/km² proche de 0,7 ou 0,8 H² (H étant le marnage moyen), c’est-à-dire 20 GWh/km² pour un marnage de 5 m.

La production éolienne sur un site marémoteur  peut donc augmenter sur beaucoup de sites de 50% la production totale, à un coût très compétitif et en utilisant le même dispositif de stockage d’énergie éventuellement un peu augmenté. Elle peut beaucoup valoriser les sites de faible marnage.

8) Mode de construction et programme d’exécution

Pour un site de moins de 50 km², la digue principale et les digues du chenal peuvent être construites par des moyens terrestres et l’infrastructure des vannes du chenal réalisée à sec à l’abri d’un batardeau.

Mais l’essentiel des réalisations se fera sur des sites de l’ordre de 500 km² en moyenne avec des dizaines de km de digues et 5 ou 10 chenaux de 1 à 2 km de longueur. Les enracinements sur quelques km et à faible profondeur peuvent se faire depuis le littoral mais l’essentiel des travaux se fera par des moyens flottants.

Les ouvrages principaux sont les digues brise-lames (fig.7) et les digues du chenal (fig.6) en caissons usuels de béton armé préfabriqués à proximité ou à des centaines de km de distance.

Les remblais assurant l’étanchéité sous faible dénivelée (fig.6 et 7) seront réalisées par moyen naval en eau calme à l’abri des caissons, et principalement par grandes dragues marines.

Les piles supportant les vannes de clôture des chenaux seront probablement aussi réalisées en caissons préfabriqués, leur bétonnage étant complété sur place.

Un chantier de chenal comprendra les digues latérales en caissons placés initialement. La protection du chantier peut être complétée par quelques caissons de la digue principale utilisées temporairement comme protection du chenal côté mer ; les travaux pour les vannes et le bétonnage du fond du chenal se feront ainsi en eau calme. Le volume de béton correspondant pour un chenal de 500 m de largeur est de l’ordre de 500 000 m3 à réaliser en un ou deux ans.

Les hydroliennes peuvent être placées ultérieurement en eau calme à l’abri des vannes et des digues latérales du chenal. Elles peuvent être facilement fixées au fond du chenal et donc d’un poids réduit.

Les travaux additionnels éventuels (usines de pompage, STEPs et éoliennes) seront de préférence réalisés après la mise en production ; cela permet une réalisation économique à sec à l’abri de batardeaux construits en eau calme. Les fondations des éoliennes éventuelles pourront aussi être préfabriquées économiquement à l’abri de ces batardeaux.

Les travaux peuvent ainsi comprendre 4 phases :

– Une phase préliminaire de 2 ans comprenant les installations diverses ; elles peuvent inclure un ou 2 ports de travaux situés par exemple aux enracinements de la digue et utilisés ultérieurement en ports de pêche et de plaisance.

– Une phase principale de 4 ou 5 ans pour les digues, les chenaux et les hydroliennes. On pourra mener simultanément plusieurs chantiers de chenaux d’une durée unitaire de un à deux ans. Pendant cette phase la digue principale est réalisée à l’exception d’une longueur suffisante pour maintenir les échanges entre mer et bassin à une vitesse modérée.

– Une phase de quelques mois de fermeture de la digue principale, tous chenaux ouverts. Cette phase se termine par la mise en service de l’aménagement.

– Une phase d’environ 3 ans de réalisation des ouvrages complémentaires éventuels : pompage, STEPs, éoliennes.

Le délai total est donc de 10 ans mais la mise en service principale a lieu après 6 ou 7 ans. Le stockage facile des caissons de digue et des hydroliennes permet à la fois leur production régulière sur 4 ou 5 ans et des intérêts intercalaires de durée réduite.

Cette méthode de construction permet de maintenir pendant les travaux les conditions de marées naturelles.

9) Les impacts

Leur étude est essentielle. Elle doit être exhaustive, sans a priori favorable ou défavorable, et s’appliquer à des projets conçus en tenant compte de l’environnement et non à des  projets datant de cinquante ans peu acceptables actuellement (comme l’usine de la Rance). Ces impacts peuvent être comparés, à énergie égale, à ceux des autres énergies renouvelables.

Les données correspondantes sont présentées ci-dessous pour des bassins de centaines de km² adossés à la côte ; ils sont ouverts sur la mer par des chenaux d’hydroliennes et peuvent opérer dans les 2 sens pour maintenir à la côte les conditions naturelles de marées.

On peut distinguer trois impacts : l’impact visuel, l’impact sur l’environnement, l’impact socio-économique.

9.1) L’impact visuel

Les usines, constituées par les hydroliennes, sont invisibles. Les ouvrages visibles sont constitués essentiellement de digues (et de vannes) dépassant le niveau de la mer d’une dizaine de mètres à marée basse.

Ces digues sont pour l’essentiel à 10 ou 20 km du rivage, donc très peu visibles. Les enracinements peuvent être implantés en dehors des zones sensibles du littoral et équipés de ports de plaisance ou de pêche (fig.8).

Fig. 8 : exemple de port de plaisance et de pêche

A énergie égale, l’impact visuel est beaucoup plus faible que celui de l’hydroélectricité ou des éoliennes terrestre ou marines. Par exemple, en France, 3 sites totalisant 200 km de digues peu visibles peuvent produire plus que toute l’hydroélectricité qui a modifié 2 000 km de fleuves ou de grandes rivières. Leur production est équivalente à celle d’éoliennes terrestres occupant 3.000 km², la moitié d’un département.

9.2) L’impact sur l’environnement

– Le régime et les hauteurs des marées naturelles ne sont pas modifiés dans le bassin et à la côte. Il en sera de même pendant les travaux. Il peut être cependant souhaitable, et facile, d’éviter les niveaux hauts exceptionnels, et notamment l’impact défavorable de la montée des océans.

– Les vagues de tempêtes sont très réduites.

– La salinité est inchangée.

– La mise en mouvement des matériaux par les vagues est très réduite sur 90% du bassin et près de la côte, ce qui peut réduire l’ensablement des golfes. Par contre le fond de la mer est fortement modifié dans les zones de la digue et des chenaux et dans les zones d’emprunt ou de dépôt de matériaux sablo-graveleux, ce qui peut représenter 10% de la surface des bassins.

– La biodiversité à la côte et dans la majeure partie du bassin est donc moins soumise à l’action des vagues et de la sédimentation.

La réduction de turbidité peut avoir des effets négatifs ou positifs.

– Le passage de poissons et d’animaux marins sera très important dans les chenaux d’hydroliennes, avec une vitesse proche de 4 m/s, proche de la vitesse en vives eaux pour les sites naturels d’hydroliennes. L’impact éventuel du bruit et des vibrations doit être étudié soigneusement, la forme des pales optimisée.

L’équipement des grands sites mondiaux sera très probablement précédé par celui de sites de 50 à 100 km² qui permettront de vérifier les impacts et de réduire ou compenser sur les grands sites les impacts défavorables éventuels.

A production égale, les impacts semblent plus favorables que ceux de l’hydroélectricité dont les réalisations mondiales prévues d’ici 50 ans sont du même ordre que les réalisations marémotrices envisageables.

9.3) Les impacts socio-économiques directs

Malgré l’importance des ouvrages, il n’y aura pas de déplacement de population.

En cas de rupture d’une digue par une tempête exceptionnelle, il n’y a pas de risque humain et les conséquences économiques seraient très modérées.

L’essentiel des travaux se faisant par des moyens navals ou à sec à l’intérieur des bassins, l’impact des travaux sera réduit sur le littoral.

La création d’emplois, très importante pendant les travaux, est en partie sur les sites de fabrication d’hydroliennes et de caissons de digues. Les emplois liés à l’exploitation et l’entretien seront principalement locaux.

Des emplois très nombreux peuvent résulter localement d’aménagements complémentaires dont la possibilité est envisagée ci-après.

Les retombées financières locales seront analogues à celles des grands aménagements hydroélectriques ou nucléaires de même production.

9.4) Les impacts socio-économiques indirects

Ils peuvent être très importants et généralement très favorables :

Un impact essentiel est la protection du littoral contre trois risques majeurs : les tempêtes, l’ensablement des golfes, les hautes mers exceptionnelles. La hauteur des vagues de tempêtes est divisée par 3 à la côte. Cette réduction des fortes vagues réduira beaucoup la mise en mouvement des matériaux et le remblaiement de beaucoup de golfes.

L’impact sur le niveau haut extrême peut être différent suivant le mode de gestion utilisé. Dans le cas le plus favorable à la production et au maintien de la biodiversité, c’est-à-dire une exploitation à double sens, on pourra simplement gérer les cas de vives eaux exceptionnelles en réduisant de l’ordre de 1 m la cote maximale atteinte en l’absence d’aménagement. Mais sur certains grands sites et notamment en face de grands estuaires, il peut être très favorable de n’opérer que dans un sens en abaissant le niveau moyen de l’estuaire et en évitant la remontée de l’eau salée ; c’est possible et peut-être très bénéfique en face de fleuves comme le Mékong.

Le mode opératoire peut varier le long de l’année.

– Un deuxième impact est la facilité offerte pour le stockage d’énergie. La capacité actuelle des STEPs mondiales approche 150 GW, elle devrait dépasser 1.000 GW au milieu du siècle, stockant 10.000 GWh. Les bassins marémoteurs peuvent atteindre alors 100.000 km². Consacrer 5 à 10% de leur surface au stockage d’énergie (nécessitant 3 km² par GWh) permet 1.500 à 3.000 GWh, donc quelques centaines de GW, une part importante des besoins mondiaux de STEPs. Ces STEPs marines ont le double avantage d’un prix compétitif et d’un temps de réaction bien meilleur que celui des autres STEPs.

– Un troisième impact est la possibilité de placer des éoliennes dans les bassins pour un coût réduit et un potentiel important et en utilisant les moyens de stockage des sites marémoteurs.

– Il sera généralement possible, et très intéressant dans certains pays, de créer le long des digues, par dragage, des surfaces industrielles importantes à 10 ou 20 km du littoral ; on pourra y placer par exemple usines thermiques, raffineries, industries chimiques.

– Au lieu d’un développement industriel, on peut réaliser des aménagements touristiques facilités par de grandes surfaces sans vagues importantes : on peut notamment créer des plages de sable stables et des îles le long de la digue principale.

– Les bassins d’eau calme renouvelée en permanence semblent favorables à une aquaculture à grande échelle.

Comme pour les grands barrages hydroélectriques, les services rendus en complément de la production électrique peuvent ainsi être très importants et supporter éventuellement une part de l’investissement.

10) La navigation

– Les bassins marémoteurs seront généralement en dehors des lignes commerciales de navigation. Mais dans quelques cas comme pour la Severn en Grande-Bretagne, une écluse pour des tirants d’eau de plus de 15 m sera nécessaire.

– Le problème usuel sera le passage d’un très grand nombre de bateaux de quelques m de tirant d’eau. Leur passage pourra se faire par une partie ou la totalité des chenaux, au-dessus ou à côté des hydroliennes. Une écluse d’assez faible coût pourra être placée à côté des vannes d’entrée du chenal pour permettre le passage lorsque les vannes sont fermées, c’est-à-dire un tiers du temps.

– La navigation peut être améliorée de trois façons :

. Beaucoup de ports existants dans les zones de marnage important sont actuellement peu accessibles à marée basse ; ils seront abrités des tempêtes et de la sédimentation et leur accès pourra être amélioré efficacement et économiquement.

. Des ports de pêche ou de plaisance, accessibles à marée basse, peuvent être créés à l’enracinement des digues (fig.8).

. Un développement industriel important le long des digues peut être accompagné par la construction économique le long des digues de ports en eau profonde (fig.9).

11) Un exemple de production, de coût et d’impacts : L’aménagement de la Baie de Somme (fig.11)

Le choix d’un grand site au nom provocateur abritant un sanctuaire écologique est l’occasion d’identifier les impacts défavorables ou favorables.

Le relevé des marées dans la Manche (fig.10) montre deux zones très favorables dont une zone de Dieppe à Boulogne. On peut utiliser cette zone par un grand aménagement dont un enracinement peut être entre Dieppe et Le Tréport, l’autre entre Berck et Boulogne. Le site  représenté et évalué se raccorde à la côte à quelques km à l’Est de Dieppe et quelques km au Nord de Berck. La surface du bassin représente environ 1 000 km², la longueur de la digue principale est de 70 km. La marée moyenne est un peu inférieure à 6 m, les calculs de production faits pour 5,5 m. La profondeur naturelle moyenne est de 15 m sous le niveau des basses mers, la profondeur maximale de 25 m. La hauteur de houle peut atteindre 6 m.

Fig.10 : Marnage en Manche en eau vive

Fig.11

11.1) La production

L’exploitation est prévue en double sens. Pour une marée moyenne, le remplissage ou la vidange peuvent se faire sur une hauteur de 5 m en 4 heures avec un débit sensiblement constant de :

Le fond des chenaux de liaison du bassin à la mer peut être à 20 m sous les très basses mers, la profondeur moyenne d’utilisation étant de 25 m et la vitesse de 4 m/s soit 100 m3/s par m de largeur de chenal. La largeur théorique totale des chenaux est donc de 3.500 m ; elle pourra être portée à 4.000 m pour avoir de la marge, soit par exemple 8 chenaux de 500 m de largeur chacun.

L’énergie disponible pendant une demi-marée d’environ 6 heures correspond d’après les graphiques d’exploitation, à un volume égal à 90% du marnage avec une hauteur de chute d’environ 35% de la hauteur de marnage. On peut admettre une perte de un tiers de l’énergie pour les pertes hydrauliques dans le chenal et le rendement des hydroliennes.

L’énergie productible par demi-marée, en GWh est de :

à multiplier par 2 x 705 demi-marées, soit 24 TWh/an, et donc une production moyenne d’environ 2,75 GW.

Pendant une demi-marée de 6 heures de marnage moyen, les hydroliennes produisent pendant 4 heures dont 2 heures à pleine charge, à peu près l’équivalent de 3 heures à pleine charge, la moitié du temps. La capacité installée devrait donc être de 2 fois la production moyenne, soit 2 x 2,75 = 5,5 GW. Ce chiffre peut être augmenté d’environ 20%, soit 6,6 GW pour donner une certaine flexibilité, ce qui correspond à 24 TWh/6,6 GW soit environ 3.600 heures par an de production à plein charge.

Le nombre d’hydroliennes d’une puissance unitaire de 2,5 MW est d’environ 2.600, soit 325 par chenal. Une rangée peut comprendre 20 hydroliennes espacées de 25 m entre axes, doit 17 rangées espacées de 80 m (5 diamètres) soit une longueur de chenal de 17 x 80 # 1.360.

11.2) Les coûts

L’aménagement comprend 8 chenaux de 500 m de largeur.

Leur longueur est en théorie de 1.360 m mais le calcul des coûts est basé sur 1.500 m pour tenir compte d’un allongement dans le bassin (fig.5).

La surface totale des chenaux est de 8 x 1.500 x 500 = 6 millions de m² pour 6,6 millions de kW soit 0,9 m²/kW.

Les coûts comprennent trois parties : les hydroliennes, les chenaux, la digue principale.

Coût des hydroliennes :

Ces structures sont assez semblables à celles des éoliennes mais, à puissance égale, la longueur des pales et des mats est 4 fois plus faible pour des effets similaires. L’économie correspondante est probablement très supérieure au surcoût lié à l’immersion. La fabrication en très grande série, le transport par mer et la pose en eau calme, les liaisons électriques courtes conduisent à un coût de fabrication et pose inférieur à celui des éoliennes terrestres. Les calculs se basent cependant sur un prix de 1.200 €/kW, ou 3 millions € par hydrolienne de 2,5 MW. Ce coût peut être majoré de 15% pour frais financiers pendant la construction, soit 1.380 €/kW. Le coût annuel peut être de 7% de l’investissement pour amortissement et intérêt et 3% pour opération et entretien, soit 138.000 €/MW et, pour 3.600 heures par an un coût au MWh de 38 €.

Coût des chenaux :

Il comprend :

– Le béton du fond du chenal de 0,50 m d’épaisseur à 200 €/m3 et 0,9 m² par kW soit 0,5 x 200 x 0,9 = 90 €/kW.

– Les digues d’une longueur totale de 2 x 8 x 1500 = 24 km, à un coût moyen de 32.000 €/m (pour 40 m3 de béton armé de caisson) soit 24.000 x 32.000, soit par kW : 

– Les vannes d’une longueur totale de 8 x 500)= 4.000 m sur 25 m de hauteur soit :

D’où un total de 90 + 120 + 150 = 360 €/kW qu’on peut augmenter de 25% pour imprévus et divers et de 20% pour études et frais financiers pendant la construction soit 360 x 1,25 x 1,2 = 540 €/kW et une annuité de 8% (7% pour l’investissement et 1% d’entretien) soit 43 € par kW, 43.000 €/MW et pour 3.600 heures par an : 12 €/MWh.

Le coût total des hydroliennes et des chenaux est donc voisin de 38 + 12 = 50 €/MWh. Ce coût varie peu avec la hauteur des marées naturelles, car tous les coûts/kW sont indépendants de la hauteur de marnage, sauf pour les vannes qui ne représentent qu’environ 10% du coût total.

Le coût au MWh est donc de l’ordre de 50 €/MWh, quel que soit le marnage naturel ; il varie principalement avec le coût des hydroliennes, admis de 1.200 €/kW. Il ne parait pas surprenant qu’il soit du même ordre que le coût moyen pour des éoliennes terrestres. Il peut être inférieur car l’utilisation annuelle est beaucoup plus importante.

Coût de la digue principale (fig.7) :

Elle est constituée en fait d’un brise-lames en caissons préfabriqués de béton armé et d’une digue en remblais. Un modèle récent de brise-lames est celui du port de Tanger, utilisant le même principe que la jetée de Dieppe avec mur ajouré côté mer.

La digue assurant l’étanchéité par sa largeur sous faible charge et supportant une route d’accès aux chenaux sera réalisée en eau calme, essentiellement à faible coût par grandes dragues marines.

Le coût comprend trois parties.

– Le béton armé des caissons dont le coût en France a été admis de 1.000 €/m3, mise en place incluse.

– Les travaux de dragage et remblais

– Les matériaux rocheux bordant la digue, soit un coût par m de :

+ 20% pour études et frais financiers intercalaires, d’où un coût total pour une longueur (hors chenaux) d’environ 65 km de : 65 x 80 x 1,2 = 6,3 milliards € et un coût annuel de 6% pour amortissement et intérêts et 1% d’entretien, soit 7 % x 6,3 = 440 M€ pour 24 TWh, soit de 18 €/MWh.

Le coût total de production pour le site de la Baie de Somme est de 50 + 18 = 68 €/MWh.

Coût du stockage éventuel :

Il faut environ 3 km² pour stocker 1 GWh ; consacrer 5% des 1.000 m² de bassin à une STEP permet de stocker 3 GW (un peu plus que la production moyenne) pendant près de 6 heures. La STEP peut être constituée par 2 bassins clos par des digues d’une longueur totale de 30 km pouvant être réalisée en remblais en eau calme et étanchées par parois moulées à un coût total par m de l’ordre de 30.000 €, soit 30 km x 30 x 106 € pour 3 GW c’est-à-dire 300 €/kW. L’usine de la STEP, peut être construite à sec avec des groupes de l’ordre de 200 MW pour un coût au kW un peu supérieur à 500 €. le coût total de la STEP est donc de l’ordre de 1.000 €/kW à majorer de 15% pour intérêts intercalaires, avec une annuité de 7% et pour 3 GW : il s’applique à 24 TWh, d’où un coût de stockage par MWh de :

Il faut y rajouter la perte de 20% due au rendement de la STEP s’appliquant à 35% de la production, d’un coût direct de 50 €/MWh soit 20% x 30% x 50 # 3 €/MWh.

Le coût total du stockage éventuel est donc de 10 + 3 = 13 € MWh. produit

Pour un coût total de 68 + 13 = 81 €/MWh le courant est adapté aux besoins et notamment aux pointes de consommation.

Impacts :

– L’impact visuel sera faible. En effet l’aménagement est invisible depuis la Baie de Somme à cause de la rotondité de la terre et peu visible des autres points du littoral. Cet impact visuel est beaucoup moins important que celui du parc d’éoliennes déjà programmé en face du Tréport pour une production dix fois plus faible.

– L’impact sur la biodiversité doit être étudié en détail. Le maintien à l’identique des marées, la suppression des fortes houles, la réduction de sédimentation semblent plus favorables que défavorables.

La réduction de turbidité sera probablement importante, le nom de la Côte d’Opale pouvant devenir moins justifié que celui de lac d’Emeraude.

– Le passage des poissons dans les champs d’hydroliennes peut entraîner une mortalité, probablement très faible en pourcentage, mais s’appliquant à des quantités très importantes.

– Le recul des falaises de Dieppe à Ault sera arrêté ou ralenti. Les inondations de la Basse Vallée de la Somme peuvent être atténuées par la gestion adaptée pendant quelques jours.

Addition éventuelle d’éoliennes :

– Le parc d’éoliennes programmé en face du Tréport est au voisinage de la digue proposée : il serait très économique de retarder sa construction pour le placer dans le bassin et sur la digue et peut-être augmenter sa capacité.

12) Potentiel en France

Le potentiel avait été évalué à près de 100 TWh/an en se limitant aux zones de marnage supérieur à 5 ou 6 m. La nouvelle solution proposée permet d’augmenter la production dans ces zones et de prévoir aussi des aménagements dans des zones à plus faible marnage et même sur la côte atlantique. Ce potentiel économique est alors de 150 TWh/an auquel peut s’associer une production éolienne importante.

Des aménagements très divers sont envisageables en dehors de la Somme, par exemple :

– le très grand aménagement de Chausey dont un tracé est proposé ci-dessous (fig.12) pour environ 40 TWH/an.

– Cinq aménagements de 10 à 15 TWh/an avec des marnages très différents.

– Une dizaine d’aménagements de 1 TWh/an ou quelques TWh/an.

Fig.12 : Aménagement de Chausey

12.1) L’aménagement de Chausey

Le marnage moyen est de 7,5 m. De nombreuses études ont été faites entre 1960 et 1980 ; les tracés et les modes de fonctionnement tenaient peu compte de l’environnement et seraient inacceptable actuellement. Le tracé proposé est reporté à 10 km à l’Ouest des Iles Chausey et donc à 20 km de la côte du Cotentin et à 35 km du Mont Saint-Michel.

La digue de 55 km de longueur s’enracine à 5 km à l’Ouest de la Pointe du Grouin et au Nord d’Agon Coutainville. Un port important de pêche et de plaisance d’accès permanent peut y être créé.

Le rythme et le niveau des marées sont conservés à l’identique.

Ce projet évite sur 100 km de littoral les vagues de tempêtes et les hautes mers exceptionnelles et arrête ou ralentit le remblaiement de la baie du Mont Saint-Michel. Une dizaine de chenaux répartis le long de la digue permettent le passage des bateaux de quelques m de tirant d’eau.

Le coût au MWh est inférieur à celui de la Baie de Somme, la digue étant plus courte et la production plus importante. On peut produire 40 TWH/an à 60 €/MWH.

L’étude d’impacts sera essentielle : il est très possible qu’elle identifie plus d’éléments favorables que défavorables.

Un développement touristique très important est envisageable sur 100 km de Cancale à Coutainville et éventuellement dans des îles qu’on peut créer le long de la digue. L’absence de fortes vagues dans le bassin permet notamment la création de très grandes plages stables de sable et d’aménagements divers du littoral. Une route touristique peut suivre la digue.

La pêche, la plaisance et l’aquaculture sont favorisées dans un bassin de 1.000 km² d’eau calme.

12.2) Le site de Ré

Bien que la hauteur de marée de 3,5 m soit beaucoup plus faible que sur la Manche, on peut par exemple créer un aménagement produisant 15 TWH/an, c’est-à-dire autant que tout l’aménagement du Rhône. La digue peu visible longue de 60 km peut s’enraciner à l’Est des Sables d’Olonne, passer à 10 km à l’Ouest de l’Île de Ré et rejoindre le Nord Ouest de l’Île d’Oléron (fig.13).

Le coût de production au MWh est de l’ordre de 75 €/MWh. Les possibilités de développement du tourisme sont importantes. L’île de Ré est protégée des tempêtes, l’ensablement de la côte ralenti.

Fig.13 : aménagement de l’Île de Ré

12.3) Autres aménagements importants envisageables

– Un aménagement de 500 km² entre Fécamp et Dieppe, avec une marée de l’ordre de 5,5 m.

– Un aménagement de près de 1.000 km² entre Saint-Vast et Courseulles peut fournir 10 à 15 TWh/an malgré une marée assez faible (de l’ordre de 4 m). Ce site parait aussi favorable à la construction d’éoliennes sur plusieurs centaines de km² produisant une dizaine de TWh/an à 50 €/MWh, c’est-à-dire l’équivalent de la moitié du programme actuel d’hydroliennes offshore à un coût très inférieur.

– Un aménagement de 300 km² entre Agon-Coutainville et Carteret.

– Un aménagement de 500 km² dans le Golfe de Saint-Brieuc.

Le coût au MWh de ces différents sites est du même ordre que pour le site de Ré ; leur production marémotrice globale est d’environ 50 TWh/an.

12.4) Sites moins importants

De nombreux sites moins importants sont envisageables, mais d’un coût au MWh un peu plus élevé à cause de digues plus longues à production comparable.

Il semble souhaitable de sélectionner un ou deux de ces sites pour une première réalisation permettant l’optimisation technique et la vérification des impacts avant réalisation de plus grands sites.

On peut notamment trouver une dizaine de sites d’environ 50 km² constitués par un bassin en demi-cercle de 10 km d’emprise à la côte. La production peut être de 1 TWh/an (2 fois la Rance) pour un investissement de 1 milliard € et un coût au MWh de 100 à 120 €, inférieur au coût du programme actuel d’éoliennes offshore.

12.5) Stockage d’énergie et raccordements au réseau

Les aménagements ci-dessus totalisant près de 140 TWh/an peuvent inclure des STEPs, par exemple sur 5% de la surface du bassin. Si l’on réalise 100 TWh/an c’est-à-dire une production moyenne de 12 GW, on pourra réaliser une capacité de STEPs un peu supérieure, par exemple de 15 GW, s’ajoutant aux 5 GW de STEPs de montagne existantes. Cela parait suffisant pour accompagner un programme d’énergies renouvelables important tel que :

100 TWh/an d’énergie marémotrice

50 TWh/an d’énergie éolienne offshore

50 TWh/an d’énergie éolienne terrestre

  50 TWh/an d’énergie solaire

250 TWh/an et 50 TWh/an d’hydroélectricité

Le coût des STEPs au kW semble inférieur au prix des STEPs traditionnelles, leur impact plus favorable sur le réseau ; on peut aussi pour les sites de Normandie les associer à des STEPs utilisant les falaises.

Les sites marémoteurs envisagés sont généralement proches des 5 sites nucléaires du littoral qu’ils peuvent remplacer partiellement ou totalement. L’utilisation des lignes existantes correspondantes peut permettre une insertion économique sur le réseau.

12.6) Programme

On peut prévoir une phase de rodage d’une quinzaine d’années comprenant :

– De 2014 à 2016 : études d’impact, sélection de 2 sites préliminaires et appel d’offres correspondant.

– 2017-2023 : réalisation d’un site préliminaire de 1 TWh/an qui peut se substituer à un des sites d’éoliennes offshore programmés.

– 2025-2030 : réalisation d’un site de 10 à 15 TWh/an d’un coût équivalent à 1 ou 2 réacteurs EPR.

Les éléments techniques (hydroliennes, digues, STEPs) sont identiques pour les différents sites et les impacts sont semblables.

L’expérience acquise par la phase préliminaire permettra donc la réalisation entre 2030 et 2050 de sites totalisant une centaine de TWh/an avec une très bonne connaissance des coûts et des impacts. Elle placera aussi les réalisateurs français sur un marché marémoteur mondial qui sera probablement très important après 2025 ou 2030, équivalent à 10 ou 20 fois la production française.

13) Le potentiel mondial

Le coût mondial pour les hydroliennes et leurs chenaux est probablement de l’ordre de 50 €/MWh même dans les zones de marnage de 3 m. le coût au MWh de la digue principale est beaucoup plus variable ; il sera généralement inférieur à 20 €/MWh et peut rester inférieur à 50 €/MWh même avec un marnage de 3 m. De grands bassins de centaines ou milliers de km² peuvent être créés dans les zones où la profondeur sous les basses mers est de l’ordre d’une vingtaine de m jusqu’à 20 ou 30 km du rivage et c’est le cas de nombreux pays sur des milliers de km de littoral. La profondeur de la mer est un élément clef d’évaluation des potentiels.

13.1) Mode d’opération

L’utilisation usuelle pourra être à double sens, maintenant à la côte les marées naturelles et évitant des hautes mers exceptionnelles. Cependant, il pourra être préférable dans certains cas d’exploiter dans un seul sens en réduisant de 1 à 2 m les hauteurs d’eau maximales dans le bassin : ce peut être très favorable notamment dans les zones de grands deltas pour limiter leur salinité et y éviter l’impact désastreux de la montée des océans ; cela peut réduire l’impact des pollutions industrielles comme à Shiwah.

13.2) Equipements et mode de construction

La solution des chenaux d’hydroliennes, d’une puissance unitaire de quelques MW parait avoir le plus d’avenir pour la production.

Les groupes bulbes, mal adaptés à la production sous faible charge, ont un grand avenir pour le pompage, aussi bien pour les STEPs que pour compléter éventuellement le remplissage ou la vidange des bassins.

Les turbines orthogonales peuvent avoir de l’avenir pour la production, notamment pour les bassins de moins de 100 km² avec marée de plus de 5 m, et surtout si l’on peut construire économiquement à sec les usines. Pour un site comme celui de la Rance, les groupes orthogonaux peuvent être la meilleure solution.

Pour les grands sites, la construction des digues et des chenaux d’hydroliennes par des moyens navals parait la plus prometteuse. Elle sera basée essentiellement sur des caissons en béton armé d’une centaine de m de longueur et sur l’emploi des grandes dragues marines travaillant principalement en eau calme à très faible coût unitaire.

Les usines de pompage et STEPs seront de préférence construites après achèvement de la digue principale. On pourra alors réaliser en eau calme des batardeaux étanchés par parois moulées permettant la construction de ces usines à sec.

Les coûts peuvent être compétitifs même pour des zones très excentrées et avec un climent très froid.

13.3) Services additionnels

La réalisation des grands bassins offre, en complément de la production électrique, des possibilités étonnantes :

– La protection du littoral contre les inondations, les tempêtes et l’ensablement. La maîtrise du niveau pourra être essentielle pour les zones de deltas (Mékong, Gange, Bangladesh et peut-être Amazone) ou les zones très plates (centre de la Chine).

– La possibilité de réaliser des STEPs de grande capacité est un atout essentiel pour le développement des diverses énergies renouvelables intermittentes.

– L’implantation d’éoliennes dans les bassins peut être très importante et plus rentable que toutes les autres formes d’énergie éolienne.

– Les développements industriels dans des îles le long de la digue principale peuvent être très utiles, notamment dans les pays peuplés d’Asie.

– Les développements pour le tourisme ou l’aquaculture peuvent être importants.

La prise en compte de ces possibilités peut justifier de grandes réalisations, même avec une amplitude de marées de 2 à 3 m si les profondeurs sont modérées : c’est le cas par exemple de la Chine ou du Brésil.

Les exemples ci-dessous sont limités aux zones où la profondeur sous les basses mers ne dépasse pas une vingtaine de m.

Les évaluations de production en TWh/an sont basées sur la formule 0,7 x 10-3 S Hm², S étant la surface du bassin en km² et Hm le marnage moyen en m. La production d’une quinzaine de pays, ayant un potentiel de quelques dizaines à quelques centaines de TWh/an est évaluée très sommairement ci-dessous : ce sont 5 pays européens, 7 asiatiques, 4 américains et l’Australie. Seuls les sites principaux sont pris en compte.

14) Exemples en Europe

– Le potentiel de la France est de plus de 120 TWh/an sur 7 sites totalisant 6.000 km² et 350 km de digue principale.

– Les études en Grande-Bretagne ont surtout porté sur le site exceptionnel de la Severn en se basant, comme pour la plupart des autres pays, sur l’emploi de groupes bulbes. Pour les raisons explicitées ci-dessus, ces études ont conduit à un coût très supérieur à 100 €/MWh et à des problèmes d’environnement liés aux changements de niveau.

L’utilisation de grands bassins ouverts sur la mer par de grands chenaux d’hydrolienne permet une approche différente (fig.14). Le site de la Severn peut être probablement porté à 1.000 km² (fig.15) tout en conservant le niveau naturel des marées et en portant la production à plus de 35 TWh/an. Il semble économique d’utiliser aussi la grande zone au Nord de Liverpool où le marnage moyen est d’environ 5 m. L’exemple de deux grands sites totalisant 2.000 km² est représentée sur la fig.16 et permet aussi une production de plus de 35 TWh/an. Produire 70 TWh/an avec une longueur de digues totalisant moins de 150 km semble possible à un coût inférieur à 100 €/MWh.

Le décalage horaire entre sites permet une production continue. Un important stockage par STEPs dans les bassins peut favoriser le très grand développement probable de l’énergie éolienne terrestre et offshore en Grande-Bretagne.

– La Russie étudie depuis des décennies une solution de turbines à axe vertical adaptées à l’opération à double sens sous faible charge (turbines orthogonales). Elles sont donc prometteuses pour l’énergie marémotrice et la fabrication des turbines est plus simple que celle des groupes bulbes. La production par m de structure reste assez faible et le coût au kW du génie civil assez élevé.

Il est donc possible que la solution des grands chenaux d’hydroliennes soit plus économique sur le site de Mezen déjà étudié et probablement aussi sur le site voisin de Cheschskaya où la marée est assez faible mais la surface de 8.000 km² pour une longueur de digues de 100 km. La production totale des 2 sites peut approcher 100 TWh/an.

– Malgré une marée faible, l’Allemagne peut produire économiquement 15 TWh/an : le site marémoteur peut être très utile aussi pour le stockage d’énergie, les parcs d’éoliennes et la protection de la côte.

– Les Pays-Bas ont la même possibilité dans le Nord Est du pays.

Le potentiel réaliste de l’Europe dépasse 300 TWh/an.

Fig.14 : ensemble Grande-Bretagne

Fig.15 : aménagement éventuel de la Severn (Grande-Bretagne)

Fig. 16 : exemple en Grande-Bretagne

15) Exemples en Asie

Il y a peu de sites en Asie où la marée moyenne dépasse 6 m en dehors de la mer d’Okhotsk en Sibérie dont le potentiel est supérieur à 200 TWh/an à un coût réduit ; la majeure partie est loin des régions habitées mais on peut probablement transporter économiquement 50 ou 100 TWh/an vers la Sibérie, le Nord du Japon ou la Chine.

Il y a par contre en Asie un très fort potentiel avec des marées de 3 à 6 m et des profondeurs inférieures à 20 m sous les basses mers sur plus de 100.000 km². Des aménagements très importants peuvent être rentabilisés par la production électrique mais les avantages de protection du littoral, de développement industriel et de stockage d’énergie peuvent être encore plus importants dans des pays regroupant 40% de la population mondiale.

– La Chine a peu de sites à marée voisine de 5 m mais 2.000 km de côte et près de 50.000 km² avec des marées d’environ 3 m et des profondeurs inférieures à 20 m. L’emploi de grands bassins ouverts par des chenaux d’hydroliennes parait bien adapté à plus de 100 TWh/an de production. La partie au Sud de Shanghai a des sites très favorables et la zone très plate de la rivière Huai He pourra être abritée de l’impact très défavorable de la montée des océans. Les possibilités de stockage d’énergie, de développement industriel, d’aquaculture, de tourisme sont importantes.

– L’Inde a 3 sites intéressants : à l’Ouest les sites de Kutch et Bavnagar (fig.18) totalisent plus de 4.000 km² pour une centaine de km de digues et une marée de l’ordre de 5 m, d’où une production globale supérieure à 50 TWh/an à un coût attractif.

A l’Est (fig.19), un site peut paraître irréaliste à cause d’une digue de 200 km de longueur et une marée de l’ordre de 3 m. Cette aménagement peut se faire en 2 phases ; on peut produire 50 TWh/an sur près de 9.000 km².

– Un site similaire (fig.19) qui peut paraître utopique pourrait avoir dans 30 ans un impact capital sur l’avenir du Bangladesh. Une digue de 200 km peut abriter un bassin de 10.000 km² et produire plus de 50 TWh/an. Elle peut contrôler le niveau d’eau du Brahmapoutre, éviter l’impact désastreux de la montée des océans et même améliorer la situation actuelle.

– Une protection similaire peut s’envisager pour le delta du Mékong au Vietnam (fig.20) et peut favoriser 10 millions d’habitants. Deux digues totalisant 150 km peuvent isoler près de 2.000 km² en produisant 10 à 15 TWh/an.

– La Corée du Sud bénéficie sur sa côte Ouest de marées importantes sur une surface de près de 20.000 km² à profondeur modérée. A titre d’exemple théorique un site (fig.21) abrité par une digue de 150 km peut abriter 5.000 km² et produire 100 TWh/an à un coût très attractif. Cet aménagement peut être réalisé en 2 ou 3 phases.

– Le potentiel total de l’Asie est basé principalement sur 4 pays : Chine, Inde, Corée du Sud et Russie mais l’énergie marémotrice peut aussi avoir un rôle essentiel au Vietnam et au Bangladesh et une production notable au Pakistan, au Myanmar et en Corée du Nord.

Le potentiel global de l’Asie est supérieur à 700 TWh/an.

Fig.18 : Inde Ouest

Fig.19 : Inde et Bangladesh

Fig.20 : Mékong

Fig.21 : Corée

16) Exemples en Amérique

Le potentiel de la côte Ouest est assez faible parce que la profondeur de la mer est généralement importante à proximité du littoral dans les zones de marée notable ; c’est par exemple le cas d’une grande partie de l’Alaska ou de la Colombie. Il y a cependant un site très favorable en Alaska (Anchorage) et un certain nombre de sites pouvant totaliser une centaine de TWh répartis sur toute la longueur du continent (Panama, Chili).

Sur la côte Est un potentiel important est réparti sur 3 pays :

Le Canada a le site excellent de la Baie de Fundy qui peut par exemple (fig.22) produire sur 2 bassins totalisant 1.300 km² près de 50 TWh/an. Il y a également un potentiel de plus de 100 TWh/an dans la baie d’Ungava, il est à 3.000 km des zones très habitées mais le coût rendu à New York ou Montréal peut rester inférieur à 100 €/MWh.

Fig.22 : Canada : Baie de Fundy

Le Brésil a plus de 10.000 km de côtes et plus de 100.000 km² à moins de 20 m de profondeur. L’amplitude des marées moyennes est généralement faible mais atteint 3 m dans quelques endroits comme San-Luis. On peut également envisager un aménagement en face de l’Amazone pour éviter l’impact sur le delta de la montée des océans.

Des aménagements très importants sont envisageables même avec des marées de 2 m parce que les services complémentaires peuvent contribuer aux investissements.

Une production totale de 100 TWh/an n’est pas à exclure.

– L’Argentine a 3 sites :

Les sites de Golfo Nuevo, avec une marée de l’ordre de 4 m peuvent produire plus de 30 TWh sur près de 3.000 km² (fig.23). La longueur de digues est très faible et le coût attractif.

Le problème spécial des baleines peut être pris en compte par une adaptation des chenaux pour un coût significatif mais acceptable.

. La marée est plus forte à San Antonio mais la profondeur de la mer limite le site à quelques TWh/an.

. Une production de plus de 50 TWh/an est possible en Patagonie et peut y être associée à une production éolienne de centaine de TWh/an de très faible coût. Les bassins marémoteurs peuvent abriter des STEPs très importantes permettant une production globale d’un coût très faible. Le prix de ce courant rendu à Buenos-Aires et même à Sao Paulo semble inférieur à 100 €/MWh.

Fig.23 : Argentine : Golfo Nuevo

Le potentiel de l’Amérique est donc de l’ordre de 400 TWh/an

17) L’Afrique

Le potentiel de l’Afrique paraît faible car dans les zones de marée significative la mer est usuellement profonde près du littoral. Il existe cependant un site très favorable à Beira au Mozambique : il peut produire économiquement 50 TWh/an, autant que tous les barrages du Zambèze.

18) L’Australie

Un excellent potentiel se trouve au Nord Ouest de l’Australie avec de grandes surfaces et une très forte marée.

Une production de 200 TWh/an est possible à un coût de l’ordre de 50 €/MWh.

On peut envisager trois utilisations :

– Une utilisation industrielles sur place (aluminium, hydrogène, …)

– Une utilisation à 2.000 km à Java.

– Une utilisation à 3.500 km à Sydney.

Mais il est en fait, tout au moins à moyen terme, préférable pour Sydney d’utiliser le site situé à l’Est, par exemple avec les aménagements de la fig. 24. Bien que la marée ne soit que d’environ 4 m, on peut y produire 40 TWh/an sur près de 3.000 km² avec des digues totalisant 130 km à un coût analogue à celui du Nord Ouest. La distance à Sydney est de 1.500 km.

Il semble possible également d’alimenter Melbourne avec un site proche produisant quelques TWh/an avec une faible marée mais à un coût très modéré.

Fig.24 : Australie (Est)

19) Coût global des sites principaux

Leur réalisation peut s’envisager entre 2025 et 2060 et atteindre 15 GW/an.

Ils totalisent plus de 1.600 TWh/an et ont une production unitaire entre 10 et 50 TWh/an. Ils ont en moyenne une capacité de 8 à 10 GW produisant 30 TWh/an. Un tel investissement est d’une vingtaine de milliards d’euros, comparable à celui des grands aménagements hydroélectriques ou de 3 réacteurs nucléaires. Une vingtaine d’aménagements hydroélectriques actuels produisent déjà chacun entre 10 et 50 TWh/an.

Le coût d’aménagement comporte deux parts :

– Le prix des digues principales dont la longueur est pour ces grands sites d’environ 2 km/TWh en moyenne. Le coût correspondant par MWh, d’après l’exemple ci-dessus, sera de 10 à 20 €, ce qui est plus faible que le coût usuel correspondant pour les barrages et tunnels des aménagements hydroélectriques.

– Le coût par MWh des hydroliennes et chenaux, facile à vérifier ; il est de l’ordre mondialement de 50 €, il n’est pas surprenant que le coût de l’énergie marémotrice puisse être voisin du coût de l’hydroélectricité.

Le coût peut être voisin pour les sites de quelques TWh/an ou même de l’ordre de 1 TWh/an si la topographie est favorable.

Le potentiel marémoteur mondial incluant les sites inférieurs à 10 TWh/an est probablement supérieur à 2.000 TWh/an pour 500 à 600 GW. Les bassins correspondants peuvent favoriser plus de 500 TWh/an produits par des parcs d’éoliennes très économiques et inclure des centaines de GW de STEPs.

L’investissement global est du même ordre que l’investissement futur pour l’hydroélectricité traditionnelle.

20) Incertitudes techniques et économiques

– Les incertitudes sur les fondations sont plus faibles que pour la plupart des aménagements hydroélectriques. La fondation est généralement favorable pour les zones de marée moyenne ou forte incluant rocher, sable ou gravier. Les matériaux de fondation peuvent être plus fins dans les zones de faible marée mais les problèmes correspondants ont été déjà résolus par exemple aux Pays-Bas pour des ouvrages comparables.

Les méthodes de construction ne sont pas innovantes. La grande taille des ouvrages n’est pas un obstacle à des délais de 6 ou 7 ans car on peut séparer les chantiers.

– L’évaluation de la production présente deux incertitudes :

. Les très fortes marées correspondent sur certains sites à un phénomène de résonance et la réalisation d’aménagements prélevant une part notable du potentiel peut réduire la hauteur de la marée naturelle près du bassin. Ceci s’applique principalement dans les zones à fort marnage et peut s’évaluer sans modifier sensiblement les coûts au MWh peu dépendants du marnage.

. Les essais sur modèle préciseront les pertes hydrauliques dans les chenaux. S’ils sont plus élevés que dans les calculs ci-dessus, cela réduira le productible et la puissance installée, par exemple de 10%, mais en modifiant peu le coût au MWh.

– Près de la moitié du coût correspond à la fabrication des hydroliennes. La fabrication mondiale annuelle atteindra plusieurs milliers d’éléments standardisés. Les coûts seront probablement inférieurs aux coûts admis ci-dessus car il s’agit en fait de structures très simples et de transport facile et le marché sera mondial

21) Conclusion

On peut créer de grands bassins marémoteurs pour un coût au MWh inférieur au coût moyen des barrages hydroélectriques.

On peut fabriquer des hydroliennes de quelques MW à un coût très modéré.

Une nouvelle solution étudiée en France permet d’associer ces deux possibilités :

– Pour un coût au MWh semblable au coût de l’hydroélectricité

– Avec des impacts plus favorables

– En offrant des possibilités complémentaires très importantes de stockage d’énergie, de protection du littoral, de parcs éoliens, de développement industriel et touristique.

Vingt pays abritant la moitié de l’humanité sont concernés pour dix pour cent de leurs besoins futurs d’électricité.

Les « Maréliennes » semblent avoir un grand avenir.

Une étude objective et sans a priori des possibilités offertes et de leurs impacts parait souhaitable en France. Elle peut être peu coûteuse et très efficace en moins d’un an et inclure la recherche de sites démonstrateurs de l’ordre de 0,5 GW.

Elle compléterait l’expertise technique liée à l’usine de la Rance pour assurer à la France un rôle très important dans cette énergie très prometteuse.

Références :

–   Scientific aspects of the use of tidal energy – Gibrat 1975

–   Sept années d’exploitation de l’usine de La Rance – Cotillon 1974

–   New bulb unit technologies for tidal powerplants (Andritz) – Hydropower & Dams 3-2007

–   An overview of tidal power potential and prospects – Hydropower & Dams supplement 2009

–   The orthogonal turbines (USACHEV – N.I.E.S.- RusHydro) – Hydropower & Dams supplement, 2009

–   E.D.F. studies:

. GEDEM : 1975-1981

. Mareol : 2007

–   F. Lempérière: Usines marémotrices et environnement – Symposium EMR Brest 2013

–   F. Lempérière : Quelles usines marémotrices pour le 21ème siècle – Techniques de l’Ingénieur 2013

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