Commentaires sur le rapport de la mission d’étude sur les énergies marines renouvelables

Publié le 6 octobre 2013 dans Energies renouvelables

Version imprimable Version imprimable

Ces commentaires ne concernent que les énergies liées aux marées :

– Hydroliennes étudiées en détail dans le Rapport

– Centrales marémotrices (appelées dans le Rapport « l’énergie marémotrice ») présentées succinctement.

La comparaison des 2 solutions est faite ci-dessous en se basant sur les données de base du Rapport et sur quelques renseignements complémentaires faciles à vérifier. Elle porte sur le potentiel, la maturité technique, les sites, les coûts et l’environnement.

1) Potentiel

Le potentiel mondial pour les hydroliennes est indiqué de 450 à 840 TWh/an (page 22 du Rapport), celui des usines marémotrices 300 à 800 TWh/an (page 12). Les 2 potentiels mondiaux semblent donc du même ordre, inférieurs à 1000 TWh/an, 2% de l’électricité mondiale.

Le potentiel français est indiqué page 150 pour les hydroliennes entre 5 et 14 TWh/an, pour les usines marémotrices 100 TWh/an. Les études GEDEM pour EDF de 1976 à 1984, axées sur le stockage d’énergie plus que sur une production maximale proposaient l’équipement de 60 TWh.

2) Maturité technique

– « Le marémoteur est mûr technologiquement depuis longtemps » (page 11)

Il y a cependant des optimisations à étudier, notamment pour les turbines et pour la construction en grande série probablement par caissons préfabriqués.

– « /…/ la technologie hydrolienne est la plus mûre des énergies marines nouvelles » (page 20) « Néanmoins différentes étapes sont nécessaires avant la mise en place de parcs à grande échelle » (page 20)

3) Les sites potentiels en France

– Les sites favorables aux hydroliennes ont été identifiés par le Rapport, il s’agit pour l’essentiel au Nord du Cotentin des deux sites du Raz Blanchard et du Raz Barfleur.

– Au stade actuel, le Rapport n’a pas présenté de sites d’usines marémotrices. Diverses études (notamment GEDEM pour EDF de 1975 à 1982, EDF en 2007, HydroCoop plus récemment) font apparaître que :

* Les sites d’estuaires similaires à la Rance sont peu importants et totalisent moins de un pour cent du potentiel.

*  D’après les études de 1981 (Cotentin Centre) et 2007 (Maréol), les sites totalement offshore ont peu d’avenir, les petits sites étant pénalisés par le coût des digues, les implantations possibles de grands sites étant très peu nombreuses.

–   Les sites envisageables sont donc des sites à la côte de taille importante pour réduire le poids des digues dans le coût. On peut envisager une dizaine de sites de 100 à 200 km² ou une solution très économique de 3 grands sites totalisant 3000 km², un ou deux sites moyens étant construits au préalable.

Deux tiers du potentiel sont à l’Ouest du Cotentin, un tiers entre Dieppe et Boulogne.

Pour des raisons d’environnement, ces bassins simples seront probablement exploités dans les 2 sens, les marées à la côte ressemblant alors aux marées naturelles avec 2 heures de décalage. Les usines peuvent être réparties le long de la digue d’où une alimentation bien répartie du bassin.

Ces sites intéressent 5 régions de France.

4) Les coûts au kWh

– « Le coût au MWh cible des hydroliennes est proche de celui de l’éolien offshore » (page 20). Des coûts d’investissement de 4 à 5000 €/kW sont cités (pages 161 et 164) et des coûts au kWh entre 15 et 45 cents. Le prix d’achat britannique est de 30 cents/kWh (p.161) »

– Le Rapport donne peu d’indications sur les coûts d’usine marémotrice sauf en page 164 avec 3 à 4000 €/kW et 13 à 15 cents/kWh et en page 165 où le coût apparaît inférieur à celui des hydroliennes. Il serait intéressant de rappeler les coûts de Shiwah en Corée mis en service en 2011 (250 MW) : les coûts annoncés en public sont de 227 millions d’euros (environ 1000 €/kW)  et 12 centimes du kWh.

Les coûts des grands sites français avec marée plus forte qu’à Shiwah devraient être inférieurs.

Les coûts de centrales marémotrices seront donc probablement nettement plus faibles que ceux des hydroliennes.

5) L’environnement

– L’impact sur l’environnement des hydroliennes paraît assez limité : un problème est peut-être lié au fait qu’il n’y a que 2 ou 3 sites rentables qui sont aussi des sites exceptionnels, notamment pour la pêche.

– Pour les centrales marémotrices, il est essentiel de distinguer trois types de sites :

*  Les sites offshore, trop coûteux à cause de la longueur des digues.

*  Les sites d’estuaire comme celui de la Rance, de la Severn ou de la Mersey. Le Rapport dissuade l’étude de tels sites pour des raisons d’environnement. Cela n’a pas d’inconvénient en France où ces sites sont négligeables.

*  Les grands sites à la côte exploités dans les 2 sens. Les conditions sont très différentes de celles de la Rance pour l’état naturel, le mode de construction et l’état final, notamment pour la salinité et donc pour la biodiversité et pour la sédimentation.

Les conditions futures des grands bassins marémoteurs seront en fait (fortes marées et faibles vagues) proches des conditions actuelles de la Rade de Brest et du Golfe du Morbihan.

– Il est très possible que l’impact sur la biodiversité soit favorable vu la suppression des tempêtes.

– La comparaison de la sédimentation avec la sédimentation naturelle doit pouvoir s’étudier efficacement.

– Le passage des poissons dans les turbines sous faible charge sera moins pénalisant qu’à la Rance ou à Shiwah où il peut être évalué.

6) Construction

– La méthode de construction de la Rance a éliminé la biodiversité existante

– La méthode prévue pour les sites futurs : caissons préfabriqués d’usines répartis sur la digue et ouverts pendants la construction. Il n’y aura pas de changement d’environnement pendant la construction sauf une suppression progressive des tempêtes.

7) Commentaires divers

En dehors du potentiel et du coût, les centrales marémotrices ont quatre avantages spécifiques sur les hydroliennes :

– La possibilité de moduler la fourniture de courant électrique suivant les besoins.

– La possibilité de s’ajuster rapidement à un changement de la demande ou à un incident de réseau.

– La possibilité d’aménager les grands bassins à l’abri des tempêtes (tourisme, aquaculture).

– Une vie plus que séculaire.

8) Programme

– Les réalisations importantes d’hydroliennes peuvent s’envisager dans 5 ans après mises au point techniques et expérimentations.

– Un programme de 2013 à 2018 pour les centrales marémotrices pourrait être consacré à trois points : études d’environnement, sélection des sites préliminaires, optimisation des turbines. Un appel d’offre pourrait être lancé dans 5 ans pour 2 sites de taille moyenne, de l’ordre de 1 GW, pour un coût au kWh inférieur à celui des hydroliennes ou de l’éolien offshore ; 2 sites seraient réalisés d’ici 2030, les grands sites de 2030 à 2050.

9) Complémentarité

–  Les sites d’hydroliennes et de centrales marémotrices sont différents

– Les heures d’arrêt de production ne coïncident pas, ce qui est favorable

– Les turbines des centrales marémotrices peuvent bénéficier de l’expérience d’hydroliennes. Elles pourront être intermédiaires entre hydroliennes et groupes de la Rance.

10) Conclusion

Le potentiel des centrales marémotrices en France est 10 fois supérieur à celui des hydroliennes, le coût probablement nettement inférieur, la technologie plus avancée.

L’impact des centrales envisagées est très différent de celui de la Rance, et probablement globalement positif, les conditions semblables à celles du Golfe du Morbihan ou de la Rade de Brest.

C’est également la seule solution de longue durée qui peut dépasser un siècle.

Les centrales marémotrices sont la seule énergie marine à moins de 10 cents/kWh. Leur étude devrait être prioritaire.

Version imprimable Version imprimable
Haut de page