•Si l’on nomme – q1 le débit de la crue de projet,
– q2 l’écart entre q1 et le débit de la crue de sécurité, le débit de la crue de sécurité est q1 + q2 et doit être le plus grand possible pour avoir la meilleure sécurité.
ANALYSE DES COÛTS
•Si l’on nomme – c1 le coût par m3/s pour faire passer le débit q1,
– c2 le coût par m3/s pour faire passer le débit q2,le coût total correspondant à la crue de sécurité est c1q1 + c2q2 et doit être le plus petit possible pour des raisons d’économie.
•Il est difficile de réduire c1 (coût des vannes, perte de stockage..) qui est souvent supérieur à 5.000 US$, et il est beaucoup plus facile de réduire c2. Il peut également être intéressant de réduire q1 et d’augmenter q2.
•C2 peut se réduire à quelques centaines de US$ avec les solutions économiques présentées ci après.
DIX SOLUTIONS ECONOMIQUES POUR LA CRUE DE SECURITE
Ces solutions comprennent:
– L’optimisation de la crête du barrage.
– L’augmentation du débit des seuils libres (seuils labyrinthes).
– Divers dispositifs fusibles.
– Le déversement sur les talus.
– L’association de structures économiques avec des déversoirs vannés.
1 – OPTIMISATION DE LA CRETE
•Monter le niveau de la retenue près de la crête du barrage augmente le débit pour un faible coût. Cette optimisation peut se faire
– En raidissant les pentes des remblais dans leur partie haute.
– En ajoutant un parapet.
– En améliorant l’imperméabilité de la crête et sa protection contre les vagues.
•Si l’on nomme :
« L » la longueur du barrage,
« e » la longueur du déversoir,
« H » la revanche,
« a » le coût par m pour surélever la crête de 1 m,
le débit d’un seuil libre est augmenté d’environ 3e√H et le coût c2 par m3/s d’augmentation de débit est La/3e√H.
•Pour des valeurs usuelles de L/e (5 à 10) et de H (2 à 4 m), ce coût est de l’ordre de 1 à 2a, soit quelques centaines de US$.
2 – SEUILS LABYRINTHES TRADITIONNELS
•Des douzaines de déversoirs labyrinthes existent à travers le monde, réalisés avec des murs minces en béton armé épousant une forme trapézoïdale.
•La longueur totale des murs est souvent égale à 4 fois la longueur du déversoir et le débit double de celui d’un seuil libre classique. La hauteur des murs est en général de 3 ou 4 m et l’augmentation de débit de l’ordre de 5 m3/s/m.
•Cette solution est facile à construire. La quantité de béton armé pour augmenter le débit d’ 1 m3/s est d’environ 1 m3 pour des structures peu élevées. Lorsque le coût de la main-d’œuvre est faible, le coût par m3/s est de quelques centaines de US$, éventuellement 500 pour des structures plus hautes.
•Le principal inconvénient de cette structure est qu’elle nécessite beaucoup de place: Elle ne peut être construite sur un barrage poids.
3 – DEVERSOIRS EN TOUCHES DE PIANO (P.K.Weirs)
•Depuis 5 ans, une solution nouvelle, qui peut être placée sur la plupart des déversoirs à seuil libre existants ou nouveaux, a été étudiée et optimisée dans 5 pays. Elle comporte un ou deux porte-à-faux; Une partie des murs est inclinée et la disposition en plan est rectangulaire; La construction peut être réalisée avec des éléments préfabriqués; Le débit peut être 3 fois celui d’un seuil Creager traditionnel. Il est d’environ 4h√H (m3/s/m), h étant la hauteur de la nappe et H la hauteur maximum des murs.
•Elle utilise environ 0,5 m3 de béton armé par m3/s de débit supplémentaire, soit un coût réduit dans beaucoup de pays en développement.
•Elle peut être adaptée à la plupart des seuils libres existants pour augmenter le débit ou le stockage.
DISPOSITIFS FUSIBLES DIVERS
•Ils s’effacent pour laisser passer les crues de faible probabilité et sont alors généralement perdus. Les crues ordinaires peuvent déverser au dessus d’eux ou passer par un autre déversoir.
•Ils peuvent être très économiques: leur inconvénient est la perte des éléments lors des crues exceptionnelles et la perte temporaire de stockage qui en résulte : Il semble donc raisonnable de prévoir le départ des premiers éléments pour des crues de probabilité entre 1/100 et 1/1.000.
•Beaucoup de solutions sont possibles. 5 sont présentées ci après:
3 s’ouvrent par renversement,
1 par flexion,
1 par érosion.
4/5 – BLOCS FUSIBLES
Des blocs de béton simplement posés les uns à coté des autres sur un seuil libre peuvent s’effacer sous la pression de l’eau. Si leur glissement est évité par de petites butées, ils se renverseront pour un niveau amont qui peut être bien déterminé si le montant de la sous pression est bien connu. Il y a donc deux solutions simples avec un vide sous les blocs: pas de sous pression ou sous pression totale.

•La solution sans sous pression semble la meilleure si les blocs doivent basculer avant d’être submergés, c’est-à-dire dans le cas de déversoirs auxiliaires.
•La solution avec la sous pression totale s’avère plus précise en cas de déversement important avant basculement.
•Pour la construction de nouveaux déversoirs, rendre fusible le seuil libre par l’usage de blocs, n’entraîne qu’un très léger surcoût et c2 est pratiquement nul.
Il est donc possible d’obtenir la sécurité maximum à très bas prix.

•Pour améliorer la sécurité de la plupart des déversoirs à seuil libre existants, c2 reste de l’ordre de quelques centaines de US$.
6 – HAUSSES FUSIBLES
•Elles sont utilisées actuellement avec succès dans plus de 10 pays. La sous pression est nulle pour des crues ordinaires. Les hausses se renversent chacune pour un niveau précis quand une sous pression importante est créée par l’intermédiaire d’un puits.
•Si elles doivent être submergées par déversement avant basculement, elles peuvent avoir la forme de labyrinthes et combiner les deux avantages: Labyrinthe et fusible.
•Elles s’avèrent particulièrement intéressantes pour les déversoirs assez importants. Elles peuvent être utilisées jusqu’à 100 m3/s/m et sont bien plus économiques que les vannes.
7/8 AUTRES DISPOSITIFS FUSIBLES
Il existe d’autres dispositifs fusibles, tels que, par exemple:
– Les Digues Fusibles. Leur coût par m3/s est réduit, mais elles demandent beaucoup de place et ne peuvent donc convenir que pour certains sites.
Des questions se posent quant à leur fiabilité dans le temps et à l’hydrogramme aval qui en résulte.
– Les « Flashboards ». Des milliers de petits barrages aux USA les ont utilisés depuis plus de 100 ans. Ce sont le plus souvent des planches de bois maintenues verticalement contre des poteaux en tubes métalliques fixés dans un seuil en béton. Les planches sont démontées à la main avant la saison des crues ou bien les tubes plient sous la pression de l’eau pour une épaisseur de lame déversante donnée. Ce dispositif est très économique mais peu précis.
9 – DEVERSEMENT SUR LES TALUS
•Si un barrage en remblais comporte une partie assez longue de digue de 5 à 10 m de hauteur, il est possible de créer un déversoir auxiliaire en renforçant le talus aval par un revêtement en béton compacté au rouleau (BCR) et d’évacuer lors des crues exceptionnelles la hauteur d’eau correspondant à la revanche. Pour une revanche de 3m et 20 à 30 m3/m de BCR, le coût par m3/s est d’environ 2 à 3 m3 de BCR, soit quelques centaines de US$.
Cette solution a été utilisée pour de nombreux petits barrages aux USA.

•L’usage de déversoirs sur des barrages en enrochement avec masque béton devrait être de mieux en mieux accepté dans le futur.
10 – ASSOCIATION AVEC DES DEVERSOIRS VANNES
•Pour des crues de sécurité de plus de 5.000 m3/s, l’utilisation, en opération normale, de vannes traditionnelles pour environ la moitié du débit , et, pour les crues exceptionnelles, de « P.K.Weirs » évacuant 50 m3/s/m sous la charge correspondant à la revanche (ou de Hausses fusibles évacuant jusqu’à 100 m3/s/m), est beaucoup moins onéreuse que celle d’un déversoir totalement vanné.
Cette disposition élimine le risque de rupture du barrage en cas de blocage total des vannes.
•Pour des débits moins importants, il est possible d’utiliser des seuils libres avec des dispositifs fusibles ou des « P.K.Weirs » en opération normale et des vannes ouvertes pour les crues exceptionnelles.
CONCLUSION
•Les méthodes classiques basées sur la « crue de projet » qui sont utilisées pour la conception des ouvrages et les structures traditionnelles de déversoirs méritent d’être revues.
•La véritable sécurité des barrages se rapporte à la «crue de sécurité» et non pas à la « crue de projet ».
•Accepter un niveau de retenue plus élevé et quelques dommages lors des crues exceptionnelles permet de mettre en œuvre beaucoup de solutions économiques nouvelles; Il est alors possible d’évacuer les crues extrêmes au moindre coût pour la plupart des barrages.
•Les coûts correspondants peuvent être particulièrement bas dans les pays où la main-d’oeuvre et l’ingénierie sont bon marché, par exemple en Asie où de nombreux barrages existent ou seront construits et où les débits de crue sont particulièrement importants.