Economie et sécurité des déversoirs du Burkina Faso

Publié le 15 juillet 2013 dans Crues et déversoirs

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BURKINA FASO, 1er  CONGRES   NATIONAL   DES   BARRAGES

 Par  F. Lempérière et J.P. Vigny (Hydrocoop France)

1 – Introduction

Le Burkina Faso a déjà construit plus de mille barrages d’irrigation. Il s’agit en général de réservoirs de 0.1 à 5 hm3 mais les barrages sont de faible hauteur et de grande longueur car la région est en général assez plate. La profondeur moyenne des réservoirs est souvent inférieure à 2m et une partie importante du stockage perdue par évaporation. Cependant les débits de crues à prendre en compte sont notables, souvent supérieures à 100m3/s évacués généralement par des seuils libres longs et relativement coûteux pour éviter de réduire une profondeur de retenue précieuse ou d’augmenter beaucoup le volume du barrage. Des accidents graves et des ruptures de barrages sont parfois intervenus, le plus souvent par submersion lors d’une crue.

L’amélioration de la sécurité (par augmentation des capacités des évacuateurs et la prise en compte de débits de crue plus importants) et/ou l’augmentation du stockage (par élévation du plan d’eau) chaque fois que les apports des rivières le permettent, font partie des objectifs majeurs concernant les ressources en eau du Burkina Faso. Les contraintes budgétaires limitent malheureusement les possibilités d’action.

Des réflexions récentes sur les critères de calcul et de dimensionnement des évacuateurs de crue (crue de projet, crue de sécurité, crue maximum probable) et des études réalisées sur des types nouveaux de déversoirs ou sur l’amélioration de procédés anciens, ont mis en évidence qu’il était possible de trouver des solutions économiques aux problèmes posés et de permettre la réalisation à moindre coût des objectifs ci-dessus.

En effet, si l’on veut bien considérer que la véritable sécurité des barrages se rapporte à la crue de sécurité (parfois prise égale à la crue maximum probable) et non pas à la crue de projet, et que, pour des crues aussi exceptionnelles à très faible probabilité, on peut admettre un niveau de retenue plus élevé que celui correspondant à la crue de projet (disparition de la « revanche »)  et éventuellement  quelques dommages pour autant qu’il n’y ait pas rupture du barrage, il devient possible d’optimiser la mise en œuvre de diverses solutions économiques nouvelles.

Parmi ces solutions, sont présentées ci-après celles qui paraissent les mieux adaptées aux barrages de faible hauteur du Burkina Faso, qu’il s’agisse de barrages existants dont on veut améliorer la sécurité ou augmenter le volume de stockage, ou de barrages nouveaux dont on veut optimiser le projet. Celles-ci comprennent :

–       L’optimisation de la crête des barrages.

–       Le déversement sur les talus.

–       L’augmentation du débit des seuils libres (seuils labyrinthes).

–       Divers dispositifs fusibles.

Pour des barrages plus importants et lorsque la gestion du niveau de la retenue est essentielle, il reste évidemment possible, sinon souhaitable, de combiner ces solutions avec un déversoir vanné si cela est financièrement possible. Une telle combinaison présente l’avantage, par rapport à une solution entièrement vannée, d’être moins onéreuse et d’éviter la rupture du barrage en cas de non fonctionnement des vannes lors de l’arrivée de la crue.

2 – Optimisation de la crête des barrages

La simple élévation du niveau de la retenue derrière la crête du barrage augmente automatiquement la charge hydraulique et donc le débit du déversoir.

Pour une augmentation de niveau « H » et une longueur « e » de déversoir mesurées en mètres, le débit d’un seuil libre est augmenté d’environ  3e√H en m3/sec

Ceci peut se faire pour les barrages en remblais en raidissant les pentes des talus dans leur partie haute et/ou en améliorant l’imperméabilité de la crête et sa protection contre les vagues (cailloux ou béton de protection contre l’érosion et l’affouillement). Ceci peut également se faire en ajoutant un parapet.

Ces solutions sont peu coûteuses et ne demandent que des ressources locales faciles à mettre en œuvre. Si l’on nomme  « a » le coût par mètre linéaire pour surélever de 1 m  la crête d’un barrage de longueur « L »,

le coût total est de aL

et le coût  par m3/sec  d’augmentation est de aL/3e√H .

Pour beaucoup de barrages au Burkina Faso, la longueur du déversoir « e » est comprise entre 1/5 et 1/10 de la longueur « L » du barrage. Si l’on considère une élévation possible de l’ordre de  0.50 m à 1 m,  le coût d’augmentation de débit est de  l’ordre de 2a à 4a par  m3/sec supplémentaire.

3 – Déversement sur les talus

Il est possible de créer un déversoir auxiliaire en abaissant les digues du barrage sur une longueur appropriée jusqu’au niveau de la crue de projet et en protégeant le talus aval par un revêtement en béton compacté au rouleau (BCR).

On évacue ainsi lors des crues exceptionnelles la hauteur d’eau correspondant à la revanche.

4 – Augmentation du débit des seuils libres par des seuils labyrinthes.

4 – 1 . Seuils labyrinthes traditionnels

Il existe de nombreux seuils labyrinthes à travers le monde et leur fonctionnement a donné satisfaction depuis de nombreuses années.

Ce sont en général des murs verticaux assez minces en béton armé épousant en plan une forme polygonale régulière et symétrique, les alvéoles d’entrée et de sortie étant identiques.

Avec des longueurs développées de  murs « L » souvent de l’ordre de 4 fois la longueur « W » du déversoir (ratio conventionnel  N = L/W = 4), le débit est souvent le double d’un seuil libre classique (profil Creager) et conduit à des augmentations de débit de l’ordre de  5 m>3/sec/ml pour des hauteurs de mur de 3 à 4 m.

Ces seuils sont faciles à construire et nécessitent environ 1 m3 de béton armé par  m3/sec supplémentaire, ce qui reste économique.

Des études sont actuellement menées et des essais sur modèles réduits réalisés (université de Biskra en Algérie, en collaboration avec Hydrocoop) pour améliorer ce type de seuil, aussi bien en ce qui concerne son rendement hydraulique, que sa facilité de construction et que son coût (Murs parallèles, alvéoles inégales, remplissage partiel des alvéoles, entrée d’eau profilées…).

Malheureusement, la structure nécessite beaucoup de place et, de ce fait, ne peut pas, par exemple, être construite au sommet d’un barrage poids. Elle devient également coûteuse pour des très grands débits par suite de la grande hauteur des murs et des efforts très importants que ceux-ci subissent sous la poussée de l’eau.

4 – 2 .  Déversoirs en touches de piano (P.K.Weirs)

Pour pallier aux inconvénients rappelés ci-dessus, des études et des essais sur modèles réduits ont été menés depuis 5 ans sur un dispositif en labyrinthe permettant de réduire l’encombrement, de diminuer la hauteur des murs et d’améliorer le rendement hydraulique. Les formes étudiées ont conduit également à des économies de matériaux.

Ce dispositif comprend soit deux porte-à-faux, l’un à l’amont, l’autre à l’aval, généralement symétriques (P.K.Weir type A), ou un seul porte-à-faux amont de plus grande longueur (P.K.Weir type B). Une partie des radiers est inclinée et la forme en plan est rectangulaire, d’où son aspect « en touches de piano ».

Figure 3 : Les deux types de P.K.Weirs

Les essais sur modèles réduits réalisés dans différents pays (France, Algérie, Inde, Chine, Vietnam) et coordonnées par Hydrocoop, les calculs de structures et les évaluations des quantités de matériaux qui en résultent, ont permis d’optimiser des dispositions « standards » qui semblent proches du meilleur compromis entre rendement hydraulique, facilité de construction et coûts.

Ces dispositions comprennent notamment des pentes de porte-à-faux comprises entre 2/1 et 3/2 et une largeur des alvéoles amont supérieure d’environ  20% à celle des alvéoles aval dans le cas des P.K.Weirs de type A.

Les P.K.Weirs sont principalement caractérisés par leur hauteur « H » mesurée à l’intersection géométrique des murs inclinés (qui correspond donc à la hauteur libre maximum des murs verticaux – voir figure 1).

Pour des hauteurs  H  moyennes (de l’ordre de 3 à 5 m),  un ratio  N = L/W  compris entre 4 et 6  semble un bon compromis. Pour des hauteurs H plus faibles, on aura probablement intérêt à réaliser des ratios N plus importants : c’est le cas de nombreux petits barrages au Burkina Faso pour lesquels H resterait  inférieur à 1,50 m pour des débits de l’ordre 4 à 5 m3/sec/ml.

Les figures 4 et 5 représentent des dispositions « standard» pour des types A et B. On obtient une valeur de 6 pour le ratio N en adoptant une largeur d’alvéole aval   e = 8/11 H pour le type A et  e = 0,6 H pour le type B.

Les essais sur modèles physiques ont montré que, pour une charge hydraulique « h » comprise entre 0,25H et 1,5H,  le débit spécifique d’un P.K.Weir de type A  est proche de  4h√H et celui d’un P.K.Weir de type B proche de 4,5h√H.

Comparé au débit spécifique d’un seuil Creager traditionnel, celui-ci est donc multiplié par   près de 4  pour h = 0,25 H,  par  3  pour h = 0,4 H, et par  2  pour h  voisin de  0,8 H.

L’augmentation du débit spécifique en m3/sec/ml est proche de 1,8 H 1,5 .

La réduction de la hauteur de la lame d’eau  (qui permet d’augmenter le stockage) est de près de 0,5 H.

Les P.K.Weirs peuvent être réalisés en béton armé ou en acier, cette dernière solution étant limitée à des hauteurs  H inférieures à 2 ou 3 m pour des raisons pratiques et économiques. Ils peuvent être construits sur place ou préfabriqués en totalité ou en partie. Des schémas de préfabrication et des croquis avec dimensionnement figurent dans les documents publiés à l’occasion du vingt-deuxième Congrès des Grands Barrages – Barcelone – 2006 – Question 84 – R 78.

Pour une solution béton armé, le volume de béton par mètre de déversoir type A, varie de 0,6 à 0,4 H2 pour H compris entre 2 et 6 m.

Pour une solution acier, environ 700 x H  kg d’acier sont nécessaires.

Avec  0,5 m3 de béton armé ou 250 kg d’acier on peut augmenter le débit d’un seuil classique d’environ  1 m3/sec.

Les P.K.Weirs peuvent être également utilisés pour l’amélioration de déversoirs existants.

Dans ce cas, il est nécessaire d’araser la crête du déversoir comme indiqué sur la figure 8.

Figure 8 : Remplacement d’un seuil Creager par un P.K.Weir type A

Pour le coût d’environ 1 m3 de béton armé, on peut modifier le seuil existant pour augmenter

–      soit le débit  d’ 1 m3/sec supplémentaire ;

–      soit le stockage d’un volume supplémentaire V (en m3)  égal à environ S/3L , S étant la surface du réservoir en m2 et L la longueur du réservoir en m. Dans le cas des barrages du Burkina Faso stockant plus de 500.000 m3  le rapport S/L est de l’ordre de 10.000, et le coût de 1 m3 de béton armé permet de gagner 2 à 5.000 m3 de stockage supplémentaire.

Une première réalisation de P.K.Weir de type A est en cours d’achèvement sur un barrage existant d’Electricité de France (barrage E.D.F. de Goulours, dans le sud ouest de la France).

Figure 9 : Création d’un déversoir additionnel sur le barrage de Goulours

Cette solution peut être extrêmement intéressante pour de nombreux barrages au Burkina Faso.

5 – Dispositifs fusibles divers

Les dispositifs fusibles ont pour principe de s’effacer pour laisser passer les crues de faible probabilité et sont en général détériorés, si non entraînés par le courant, et le plus souvent perdus. Les crues ordinaires peuvent déverser au dessus d’eux ou passer par un autre déversoir.

Pour limiter l’incidence des coûts dus à la réparation ou au remplacement des éléments endommagés et à la perte temporaire de stockage qui en résulte, il est en général raisonnable de prévoir le départ des premiers éléments pour des crues de probabilité entre 1/100 et 1/1000 (le cas des « flashboards » décrits plus loin étant un peu différent).

Des dispositifs fusibles très économiques ont été utilisés depuis longtemps dans des versions simplifiées telles que les « flashboards » aux Etats-Unis et les digues fusibles en Chine.

Des solutions nouvelles plus fiables et  plus précises ont été récemment étudiées, testées, et, pour certaines, mises en oeuvre et utilisées avec succès depuis une dizaine d’années.

5 – 1.  Flashboards

Des milliers de petits barrages aux Etats Unis ont utilisé des « flashboards » depuis plus de 100 ans. Il s’agit de plaques dressées verticalement contre des poteaux encastrés (et scellés ou non) dans un seuil en béton. Les plaques sont démontées à la main avant la saison des crues ou bien les poteaux plient sous la poussée de l’eau pour une hauteur de lame déversante donnée. Les plaques sont en général en bois et les poteaux sont des tubes métalliques. Ceux-ci, pour de très faibles hauteurs, peuvent probablement être remplacés par de simples fers à béton.

Ce dispositif, valable pour de faibles hauteurs, est très économique mais reste peu précis et nécessite quelques précautions. On veillera par exemple à ce que les plaques ne soient mises en place qu’à la fin de la saison des crues et à vérifier que les poteaux n’ont pas été renforcés par les usagers et qu’ils pourront plier librement bien avant que l’eau n’atteigne la crête du barrage.

Il parait également prudent de limiter leur hauteur à environ 1/3 de la différence entre le niveau du seuil et celui de la crête du barrage.

Les flashboards sont bien adaptés pour augmenter le stockage des petits barrages d’irrigation avec des éléments de 0,50 m ou 1 m de hauteur. On peut aussi envisager leur utilisation provisoire dans l’attente d’une solution définitive plus précise et plus performante

5 – 2.  Digues fusibles

Utilisées en Chine comme évacuateurs de sécurité pour des débits parfois très importants, leur coût par m3/sec est réduit.

Il semble que la grande longueur et le site d’implantation de beaucoup de barrages au Burkina Faso pourrait  permettre l’utilisation de digues fusibles là où les remblais atteignent 2 à 3 m de hauteur.

Il reste que ce dispositif, surtout s’il est mal ou peu entretenu, peut poser des problèmes de précision et de fiabilité. En effet, au fil des années, une certaine cohésion peut apparaître progressivement dans les matériaux constitutifs de la digue (sans parler de la végétation qui peut  pousser sur sa surface) de sorte que la charge d’eau nécessaire pour entraîner la rupture de la digue tend à augmenter, la digue devenant de moins en moins fusible.

5 – 3. Blocs fusibles

Les blocs fusibles sont des éléments massifs en béton simplement posés les uns à côté des autres sur le seuil d’un déversoir, auto stables jusqu’à ce que le niveau d’eau à l’amont atteigne un certain niveau pour lequel ils basculent.

Les éléments (blocs) posés sur un même seuil ont la même hauteur mais peuvent avoir des épaisseurs et donc des poids différents, de sorte qu’ils basculent pour des hauteurs d’eau différentes. Ce niveau peut être prévu avec précision si la valeur de la sous-pression qui s’exerce sous le bloc est bien connue. Une façon simple de résoudre ce problème est de s’assurer que la sous-pression est soit totale, soit inexistante. Ceci peut se faire par la création, sous chaque bloc, d’un vide soit fermé par un joint d’étanchéité à l’aval et communicant avec l’amont (sous- pression totale) soit fermé par un joint d’étanchéité à l’amont et communicant avec l’aval (sous- pression inexistante).

Les blocs peuvent être prévus pour basculer avant d’être submergés. Ils sont alors relativement hauts par rapport à leur longueur  ( hauteur « H » jusqu’à 2 fois la longueur « L ») et la solution sans sous-pression permet de leur garder une épaisseur « E » réduite. Ils forment en quelque sorte une « crête fusible » qui peut atteindre une hauteur importante et jouer le rôle d’un déversoir de sécurité.

Les blocs peuvent au contraire être prévus pour être submergés par une nappe d’eau « h » importante (jusqu’à 2 fois la hauteur « H » du bloc) avant de basculer. Ils sont alors relativement longs et épais par rapport à leur hauteur (L/H jusqu’à 10 ; E/H jusqu’à 3) et peuvent présenter un profilage à l’amont pour faciliter l’écoulement. La solution « sous-pression totale », bien que consommant plus de béton, parait plus intéressante dans ce cas car elle donne une meilleure précision quant au niveau d’eau assurant le basculement (les courbes représentatives du moment stabilisateur et du moment  de renversement se coupent avec un angle maximum). En outre, cette solution n’exige pas une grande précision pour la position exacte du joint d’étanchéité, celui-ci étant situé à l’aval, c’est-à-dire proche de l’axe de rotation du bloc quand il bascule. Il convient simplement de veiller à une aération suffisante de la nappe, ce qui est facile à réaliser.

Ces blocs  sont particulièrement intéressants  pour l’amélioration des seuils libres (augmentation

du débit par abaissement du seuil ou augmentation du stockage par relèvement du plan d’eau ou combinaison des deux ) et semblent très bien adaptés aux nombreux petits barrage du Burkina Faso. Cette solution est donc celle qui sera développée ci-après.

Blocs fusibles permettant le déversement avant renversement

Pour s’assurer que la sous-pression est totale, la partie inférieure amont du bloc sera laissée ouverte. Les extrémités latérales pourront rester également ouvertes (quelques supports sont alors nécessaires pour assurer la stabilité du bloc sur le seuil) ou être fermées, créant ainsi sous le bloc une « chambre » fermée sur trois cotés et ouverte à l’amont.

Des dispositions doivent être prises aux extrémités des blocs pour éviter que les irrégularités ou les défauts de verticalité toujours possibles lors de leur fabrication, n’entraînent des frottements entre  blocs ou entre un bloc et un mur séparateur lors du basculement. Une solution possible consiste à  réduire légèrement la longueur de la face aval du bloc pour donner à celui-ci une forme trapézoïdale.

Les blocs peuvent être placés directement côte à côte, mais les nombreux essais sur modèles réalisés dans différents pays (France, Algérie, Chine, Vietnam) et coordonnés par Hydrocoop, ont montré l’intérêt de placer un mur vertical mince entre deux blocs adjacents lorsque ceux-ci ne sont pas d’une longueur très importante. Ces murs, fixés dans le seuil, limitent l’influence de la déformation de la nappe due au départ d’un bloc, sur les blocs adjacents et augmentent  ainsi la précision du niveau de l’eau assurant le renversement des blocs restants.

Les essais ont également montré que ces murs n’avaient pas besoin d’avoir de grandes dimensions pour être efficaces (voir figure 12).

Les calculs théoriques ne sont simples qu’avant déversement. Après déversement, il est difficile de calculer l’épaisseur exacte de la nappe au dessus des blocs et la pression qui s’exerce contre la partie haute à l’amont des blocs ainsi que de prendre en compte les effets dynamiques et les frottements de l’eau contre les blocs.

Les calculs théoriques ne permettent donc que de réaliser des avant projets et des essais (par ailleurs très simples) de calibrage sur modèles réduits restent souhaitables pour préciser les épaisseurs assurant les renversements pour les hauteurs d’eau désirées.

La figure 13 montre les courbes théoriques de stabilité. La lignes brisée MV représente le moment des forces verticales et la courbe MH le moment des forces horizontales (les moments sont calculés par rapport à la butée aval) en fonction d’une charge d’eau totale W à l’amont d’un bloc d’épaisseur E et de hauteur H. Le renversement du bloc correspond au point de rencontre de ces deux courbes. La ligne brisée MV1 en pointillée correspond à une épaisseur de bloc  augmentée de 10 %.

Les essais sur modèles ont montré la fiabilité du rapport entre l’épaisseur E d’un bloc et l’épaisseur de lame d’eau  pour laquelle il bascule.

Pour un avant projet très préliminaire, on peut utiliser la formule approchée suivante pour un bloc ayant la forme générale décrite aux paragraphes précédents et une densité moyenne :

h = E – 0,4 H

qui signifie qu’un bloc dont l’épaisseur est égale à une fois et demie sa hauteur (E = 1,5 H) bascule pour une épaisseur de nappe à peu près égale à sa hauteur (h = H).

Dans la plupart des cas, il faut environ 1 m3 de bloc de béton pour augmenter le débit de 1 m3/sec. L’utilisation de blocs fusibles à la place d’un seuil classique permet à la fois de réduire la quantité de béton à mettre en œuvre et d’accroître la capacité de l’évacuateur d’environ 1 m3 /sec.

Figure 14 : Comparaison d’un seuil classique et d’un seuil équipé de blocs fusibles

La construction des blocs peut être réalisée très simplement, par exemple en coulant la béton sur une couche de matériaux tout venant facile à enlever après coulage du béton, recouverte d’une membrane plastique comme indiqué sur la figure 15. Si les extrémités latérales restent ouvertes, quelques supports sont nécessaires pour assurer la stabilité du bloc.

Figure 15 : Exemple de phases de construction

L’étanchéité des joints verticaux entre blocs ou entre blocs et murs séparateurs peut se faire de façon classique, par exemple à l’aide de feuilles de caoutchouc  encastrées ou boulonnées dans le bloc.

5 – 4. Hausses fusibles (Hydroplus)

Ce sont aussi des éléments posés les uns à coté des autres sur un seuil en béton, auto stables jusqu’à ce que le niveau de la retenue atteigne un certain niveau et basculant lorsque ce niveau est atteint. Elles autorisent des déversements importants au dessus d’elles. Par contre, le  basculement est commandé par la création soudaine d’une sous pression importante à la base de l’élément lorsque le niveau prévu est atteint, celle-ci restant nulle et l’élément très stable tant que ce niveau n’est pas atteint. Leur précision est donc supérieure.

Réalisées en béton armé ou en acier, de forme droite ou labyrinthe, les hausses fusibles sont utilisées avec succès dans de nombreux pays depuis plus de 10 ans. Certaines se sont déjà renversées  pour les niveaux d’eau prévus.

Elles peuvent être utilisées jusqu’à 100 m3/sec/m et sont particulièrement intéressantes pour des déversoirs importants. De très grands déversoirs ont été équipés de hausses fusibles (Etats Unis, Australie, Inde, etc..).

Elles sont bien plus économiques que les vannes. Cependant, leur utilisation pour les petits barrages du Burkina Faso semble  économiquement difficilement envisageable.

6 – Conclusion

Il semble possible d’augmenter la capacité de stockage et la sécurité de beaucoup de barrages au Burkina Faso. Ceci peut se faire à moindre coût et avec des moyens essentiellement locaux en utilisant des solutions simples et économiques. Parmi celles-ci, deux solutions nouvelles paraissent particulièrement bien adaptées : Les seuils libres en labyrinthe du type  P.K.Weirs et les blocs fusibles déversants.

Ces deux solutions pourraient faire l’objet d’une certaine standardisation à l’échelle du pays et être utilisées pour des centaines d’ouvrages existants et la plupart des barrages futurs. Elles peuvent s’appliquer également à des ouvrages plus importants.

Dans ce but, il serait intéressant de réaliser à Ouagadougou un petit canal d’essais hydrauliques (de l’ordre de 5 m de longueur et de 0,60 x 0,60 de section) pour vérifier le débit des modèles de labyrinthes et le débit des blocs fusibles avant basculement, et surtout pour démontrer aux utilisateurs et aux décideurs, l’intérêt de ces solutions.

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